Adieu Aaricia
Seul sur la berge, un vieil homme regarde la barque dans laquelle il vient de coucher sa bien-aimée. L’eau noire emporte l’embarcation, et c’est toute sa vie qui s’échappe avec elle.
Assis dans sa barque, un vieil homme remonte le fjord avec lenteur. Il s’applique à manœuvrer, sans même y penser, pour enfermer dans sa voile un vent faible et hésitant. Le geste est mécanique. Le bras agit. L’esprit est ailleurs. La barque écarte les eaux sombres en abandonnant derrière elle un maigre sillage.
Thorgal est vieux. Les années ont emporté une partie de sa fougue, et bon nombre de compagnons. Les côtes brumeuses lui rappellent de vieux souvenirs, pas tous bons, alors il les évoque à voix haute. Il s’adresse à sa femme, allongée près de lui. Mais elle ne peut plus lui répondre.
Aaricia est partie. Aaricia n’est plus là. Elle ne lui parlera plus, elle ne partagera plus ses jours et ses nuits. Alors Thorgal parle, pour occuper ce vide qui commence à s’ouvrir face à lui. Son esprit est cerné par les brumes, tout comme les rochers du fjord. Le froid de l’eau, le brouillard du fjord, les pointes saillantes des rochers.
Thorgal parle à Aaricia et, alors que la nuit l’absorbe et l’envahit, il a le sentiment qu’il ne lui reste plus que ça.