Kah-Aniel
Au coeur des chaudes contrées orientales, Thorgal et Aniel parviennent au bout de leur voyage. A la recherche de son fils, le Viking devra affronter les mages rouges et la terrible malédiction de leur maître, Kahaniel de Valnor.
Suite de l’album « Le bateau-sabre ».
Thorgal semble arriver au bout de son voyage. Dans cet album, on découvre enfin où se rendent les mages rouges qui ont enlevé son fils, et pourquoi ils ont traversé une partie du monde avec le petit garçon. La malédiction de Kahaniel de Valnor arrive à son terme, le petit garçon muet semble plus que jamais en danger, risquant de disparaître pour permettre la réincarnation du maître de la confrérie des mages.
Une édition spéciale de l’album a paru en même temps que l’édition normale, avec une couverture différente, représentant la caravane des compagnons de Thorgal, en pleine traversée du désert.
Complété par 8 pages bonus, cet album a un titre doré, marqué à chaud.
L’album est numéroté 34 bis, le cahier graphique de 8 pages contient un beau dessin pleine page de Thorgal, quatre photos de la toile de l’édition normale en cours de réalisation (dont une avec Rosinski), la toile pleine page de l’édition normale (histoire d’avoir quand même la « vraie » couverture !), 8 pages du carnet de croquis préparatoires du dessinateur, deux pages du scénario recouvertes d’esquisses, et deux croquis préparatoires.
Les deux versions de « Kah-Aniel » ont paru le 8 novembre 2013. Une édition de luxe, en grand format avec de nombreux suppléments, est venue un peu plus tard, le 6 décembre (voir l’onglet Luxe).
Regard vers l’Orient
Thorgal visite une partie de son monde qu’il ne connaissait pas encore, même si ses précédents voyage l’avaient emmené aux portes de l’Orient (dans le 27ème album, « Le barbare »). Il découvre un monde chaud et coloré, dont on aperçoit les couleurs et les saveurs au coin de diverses cases.
Thorgal navigue dans un monde qui est le sien, pas le nôtre, et pourtant ce monde a un goût familier, parce que les objets, les vêtements et les lieux semblent issus de notre culture commune. C’est l’une des forces de la série. Puisqu’elle pioche partout, en tout temps et en tout lieu, elle peut tout se permettre. Rien n’est anachronique ou incongru dans un monde qui vit hors de notre temps et de notre histoire.
Grzegorz Rosinski aime réunir beaucoup de documentation quand il commence un projet. Mais ce n’est que pour s’en inspirer – il aime réinventer le réel. Si des tissus, des matières, des motifs lui plaisent, il les mémorise et se les approprie à sa manière. C’est ainsi que la série Thorgal s’inspire du réel mais sans jamais le reproduire vraiment, toujours à cheval entre le réel et l’imaginaire.
Alors que l’épisode précédent préférait le blanc et le bleu, une ambiance froide propice au huis-clos, ce détour vers l’Orient donne une tout autre couleur à cet album. L’ambiance est chaude, lente et infusée, avec des scènes de foule très inhabituelles, et beaucoup de personnages secondaires. Habitué aux grands espaces et aux petites communautés humaines, Thorgal découvre ainsi un tout nouvel univers, notamment lors de son arrivée à Bag Dadh.
En ville
Notre héros viking a rarement eu l’occasion de croiser autant de monde en un seul album ! Son expérience des villes remonte à quelques scènes piochées dans la série, comme la ville humide et crasseuse de « Au-delà des ombres », la cité précolombienne de « La cité du dieu perdu » ou la cité byzantine dans « Le barbare ».
Il découvre dans « Kah-Aniel » un univers citadin inédit, au cœur de ce qui semble être la plus grande ville de son temps. Un paradoxe pour une cité apparemment perdue dans le désert. Une ville qui semble profiter de son emplacement, au cœur d’une toile d’araignée commerciale qui lui permet de rayonner de l’Europe à l’Asie, de l’Afrique à la Baltique.
Les villes médiévales étaient nombreuses mais rarement très peuplées. Bagdad, évident modèle de Bag Dadh, était la capitale du califat abbasside, dont l’empire s’étendait de l’Afrique du nord aux frontières de l’Inde. L’axe commercial Méditerranée-Inde-Chine avait favorisé l’installation de grosses communautés urbaines.
La situation était bien différente en Occident, où des siècles d’instabilité politique n’avaient pas favorisé l’essor des villes. Les groupes humains étaient plus réduits, dans des cités souvent fortifiées. Une grande partie de l’activité économique se déroulait dans les campagnes, au sein des domaines seigneuriaux. Un retour à la terre qui s’accompagnait d’un morcellement du pouvoir.
On sent par contre que dans « Kah-Aniel », le pays parcouru par Thorgal et ses compagnons forme un tout, une communauté soudée. Les routes y sont clairement définies. On communique par la mer, les fleuves, les caravanes dans le désert, les pigeons voyageurs…
Pour représenter la ville de Bag Dadh, Grzegorz Rosinski s’est inspiré des descriptions de la Bagdad médiévale — une ville circulaire, au bord d’un grand fleuve, protégée par plusieurs lignes de remparts dont les portes sont bien pratiques pour taxer les marchandises entrant ou sortant. Les rues sont larges, ombragées, colorées, drapées de tissus. Avec ses rues vivantes et ses étals couverts de marchandises, Bag Dadh est un joli écrin. Un joyau oriental gangrené par les intrigues des puissants, comme toujours.
Thorgal, en errance
Il est parti depuis si longtemps… Pour rappel, Thorgal a quitté sa famille et son village dans l’album « Le bouclier de Thor ». C’était en 2008. Et depuis, Thorgal cherche, et se cherche.
On ne l’a jamais connu si hésitant. Il semble perdu dans le temps et dans l’espace, lui qui a pourtant été partout. Le voyage est long (4 albums) et l’entraîne loin, très loin de ce qui faisait sa vie. Aaricia semble devenue l’image floue d’une vie lointaine. La quête, la recherche d’un fils qu’il ne connaît pas, ressemble de plus en plus à la dissimulation d’une fuite.
Perdu dans ses errements géographiques et sentimentaux, Thorgal semble devenu spectateur de sa propre aventure. Il se laisse guider le long d’une piste ouverte par d’autres. Il abandonne le leadership physique et intellectuel à ses compagnons. La belle Salouma profite pleinement des errements du héros. Ressent-elle réellement quelque chose pour lui ? Ou compte-t-elle utiliser le père pour sa promotion personnelle auprès du fils ? Difficile de la juger, de savoir où mène le jeu.
Dans le même temps, Aaricia, Jolan et Louve sont également en errance, au cœur de leurs séries respectives (Jolan dans Kriss de Valnor, Aaricia et Louve dans Louve). Une ambiance tristounette, aux parfums de séparation, qui s’étend désormais sur trois séries de l’univers de Thorgal. Alors que la guerre et les conflits s’étendent, et que chacun bâtit sa vie au détriment des autres, Thorgal se laisse porter par la vague du doute. Il se contente de suivre le train, lent et mesuré, d’une expédition sensée le mener à l’hypothétique sauvetage d’un fils inconnu.
Thorgal est-il perdu ? Allons, de l’optimisme ! A lui de démontrer, encore une fois, qu’il est le héros.