Le maître de justice
Alors que, dans l’arène du maître de justice, Jolan se bat pour sa vie et pour la liberté de son peuple, Kriss poursuit le voyage qui devrait la ramener auprès de son fils. Sur des terrains de jeu qu’ils ne maîtrisent pas, face à des adversaires implacables, les deux anciens alliés livrent le combat le plus éprouvant de leur vie.
Voici plusieurs extraits du scénario original rédigé par Mathieu Mariolle. Placés au plus près des cases de l’album, ces extraits permettent de voir comment le dessinateur décrypte la vision du scénariste et se l’approprie, parfois très fidèlement, parfois plus librement.
Ce voyage dans l’intimité des créateurs commence par la première planche, et par une ellipse importante. L’album précédent se terminait sur une scène dans laquelle Jolan, bien que blessé et affaibli, avait pourtant réussi à prendre l’ascendant sur son adversaire. Il devait alors faire un choix : sauver Magnus, ou l’assassiner.
Lorsque l’histoire reprend ici, Jolan a déjà fait son choix.
On voit que le dessinateur a choisi de modifier l’approche de Magnus, en mouvement dès la 3ème case, afin que les deux adversaires soient au contact dès la 4ème case. Paradoxalement, l’intervention haineuse de Joril va sauver la vie de Jolan et provoquer la chute du maître de justice.
La planche s’ouvre avec un nid de frelons placé discrètement dans sa première case. Il servira plus tard.
(NB : PG = plan général – PM = plan moyen – GP = gros plan)
PLANCHE 1
FAILLE / EXT / NUIT
1. PM : Le tome 8 reprend quelques instants après la fin du tome 7. Jolan tenait Magnus par le bras, au-dessus d’une profonde faille. Pour gagner en efficacité, nous reprenons alors que Jolan vient de sauver Magnus, nous concentrant plus sur les conséquences de ce sauvetage (attendu, puisque Jolan a clairement dit qu’il n’était pas venu ici pour tuer Magnus) que sur l’acte en lui-même.
Magnus est debout, face à nous, au second plan. De toute sa puissance, il arrache une large et épaisse branche du tronc d’un arbre (au premier plan), pour s’en faire une arme (puisque la sienne est tombée dans le vide quand Jolan s’était saisi de lui).
Dans l’arbre, on peut voir un essaim accroché contre le tronc.
MAGNUS
Tu n’es qu’un idiot, Jolan ! Tu aurais du me laisser tomber !
2. PM : Jolan fixe Magnus, apaisé.
Il est à quatre pattes, en train de se redresser (de l’effort fait pour remonter Magnus sur la rive).
JOLAN
Je te l’ai dit, je n’ai pas accepté l’offre de Joril pour te tuer, mais pour que tu m’écoutes.
3. PG : le plan s’élargit, panoramique.
Tous deux sont désormais assis sur la rive, se faisant face, le tronc et la falaise au premier plan.
La bulle de Magnus vient couper celle de Jolan, l’interrompant. L’empereur n’est pas du tout reconnaissant. Au contraire, il en rigole.
JOLAN
Si nous pouvons nous entraider, nos peuples le pourront. Je t’ai prouvé ma franchise…
MAGNUS
… et ta bêtise ! Les gens du Nord, vous n’êtes décidemment que des barbares stupides !
La fin de la planche est également aménagée. Au lieu d’occuper un strip complet, l’apparition de Joril vient s’adosser visuellement à deux petites images mettant le focus sur Magnus, s’apprêtant à frapper Jolan. Autre différence entre le script et l’image, Joril n’est plus entouré par des arbres, mais plutôt fondu dans une pluie battante.
La posture du maître de justice est également différente de celle imaginée par le scénariste. C’est dû en bonne partie à un choix d’accessoire qui a certainement entraîné quelques échanges entre les deux auteurs. Fred Vignaux a donné à Joril une arme qui ressemble à un long bâton de marche dans sa main frêle de vieillard, et qui va devenir le sceptre d’un demi-dieu dans celle du monstre qu’il va devenir. Pour tenir l’objet, Joril se retrouve avec la posture d’un marcheur émergeant d’un rideau de pluie.
Jolan est au premier plan, de dos, vulnérable.
MAGNUS
Maintenant, pour la gloire de Yahvus, je vais t’achever.
5. GP : Zoom dans l’axe par rapport à la case précédente. Visage surpris de Magnus en entendant la voix de Joril, hors champ.
JORIL
(Hors champ)
Ce vieillard a raison. Tu aurais du le laisser tomber.
6. PG : La fine silhouette de Joril se tient à l’orée de cette forêt, sous deux arbres recourbés, accentuant encore davantage sa petite taille et son aspect chétif. Il a les mains jointes derrière son dos.
Cette case occupe tout le dernier strip.
JORIL
Car maintenant, je vais devoir vous tuer tous les deux…
Après cette première planche, à la fois fidèle à l’esprit voulu par Mariolle et adaptée à la vision de metteur en images de Vignaux, voici quelques scènes sélectionnées tout au long de l’album. Bonne lecture, bonne découverte !
agnus grimace de nouveau, sa plaie le fait atrocement souffrir. Ironiquement, la balafre causée par l’arme tranchante de Joril est venue modifier sa marque en croix apposée au fer brûlant. Magnus n’a donc plus une croix parfaite sur le torse, mais un symbole ressemblant plus à un kanji japonais désormais.
l’intérieur du quartier-maître, la nature et la végétation ont tout envahi. Le sol, les murs, les meubles en métal, tout est recouvert de mousse, de lianes grimpantes et de feuilles.
Ils se trouvent dans une salle qui devait servir de dortoir. On voit des lits en métal disposés un peu partout.
olan tire Magnus par les épaules, après l’avoir allongé sur le dos.
olan est en train de fouiller un casier métallique recouvert de mousse et de lianes. On voit qu’il en a arraché une bonne partie pour pouvoir l’ouvrir.
ontrechamp, vu par Magnus. Sous la mousse, il n’y a pas d’armes, comme il le pensait, mais une sorte d’écran vidéo archaïque, posé sur un meuble en métal. L’écran émet un son étrange, un grésillement lancinant. L’image est grise et nuageuse, mais un son s’en échappe, un murmure dans une langue inconnue.
l s’agit d’une technologie qui rappelle clairement les vaisseaux du peuple des étoiles montrés dans la série-mère. Le design semble ancien, on est très loin d’un futurisme moderne et clinquant.
lashback sur les premiers instants passés par Magnus dans l’arène. Il porte les mêmes vêtements qu’en planche 37 du tome précédent.
l marche le long de la haute muraille de l’arène, l’examinant du regard, promenant sa main à quelques centimètres de sa surface. Malgré sa haute taille et sa corpulence lourde, il semble minuscule par rapport à elle.
ace à l’artefact, Magnus s’est redressé, fragile, blessé. Il n’a que ses poings pour le détruire, donc il frappe dedans, comme un boxeur frapperait dans un lourd sac de sable. Le coup de poing de Magnus est puissant.
’impact du coup de Magnus est minime sur l’artefact, ce grand cristal de forme oblongue. Il est entaillé, mais il va falloir qu’il frappe encore des dizaines de fois pour le briser. Et surtout, le poing de Magnus est bien abimé.
riss passe la tête au coin d’un mur, épiant les gardes qui pourraient passer par là.
lle s’est changée, enfilant une tenue assez similaire à celle que porte Kriss-mine. Elle a aussi nettoyé son visage à la va-vite. La coupe de cheveux des deux femmes étant identiques, elle n’en a pas changée : elle a juste enfilé un diadème sur sa tête.
ais les gardes de la mine sont bien trop armés et entraînés pour succomber à quelques pierres jetées par des esclaves affamés et affaiblis. Les soldats utilisent leurs lances pour transpercer plusieurs esclaves.
a révolte des esclaves n’est pas le sujet de l’album, une seule case panoramique sur ce fait suffira pour expliciter la séquence.
u milieu de ce chaos, Kriss de Valnor en revanche, n’a aucune envie de se laisser « mater ». Elle esquive avec agilité la charge d’un garde, lance la première.
u premier plan, Clay est soudainement lui aussi « happé » par une roche d’obsidienne. Mais cette fois-ci, c’est son pied entier qui est pris au piège, en train d’être recouvert par la roche noire et volcanique.
a brèche est ouverte au-dessus de Kriss. Clay est à ses côtés. Akzel quelques coudées plus haut (il va devoir redescendre pour les rejoindre).
riss libère le prisonnier. Il n’a pas été crucifié avec des clous dans les mains et les pieds, juste avec une corde autour des poignets et des chevilles, laissé à l’abandon, à mourir de soif et de faim.
’est un homme d’une cinquantaine d’années, un fidèle des mages rouges au visage très marqué par plusieurs semaines de siège puis l’invasion brutale et sanglante des soldats.
riss se montre prévenante avec lui tout en le détachant (même si bien entendu, c’est principalement pour obtenir une réponse à ses questions).
ans la principale salle du temple (celle où Aniel a libéré le feu écarlate dans le tome 35), se trouve une autre Kriss de Valnor, face à face avec plusieurs soldats de l’armée de Magnus. Ils sont menés par un général en armure, avec cape dans le dos, épée lourde et solide aux côtés. La quarantaine, on sent le combattant rompu aux champs de bataille, la barbe épaisse et fournie, le regard froid et calculateur.
ette dernière Kriss (que nous nommerons Kriss-Bagdad pour plus de convenance) porte une tenue différente de toutes les autres. Elle s’est évadée de la mine d’argent en organisant une révolte d’esclave, elle est la version la plus douce et en paix de toutes les Kriss. Cela se reflète dans sa tenue, modeste, et peu aguicheuse. C’est une tenue de voyageuse, pas de guerrière.
a voix entendue en case précédente était donc celle du général, qui s’adressait à Kriss-Bagdad.
a chaloupe est accrochée à un escalier menant à un minaret. Les hommes du général empêchent Kriss d’y accéder.