Les yeux de Tanatloc
Alors que Thorgal et ses compagnons entreprennent un dangereux voyage au cœur de la jungle du pays Qâ, Jolan découvre auprès de Tanatloc qu’il dispose de pouvoirs étonnants. Des pouvoirs qui pourraient faire de lui le nouveau dieu de la terre des Xinjins.
Suite de l’album « Le pays Qâ ».
Le voyage de Thorgal, Kriss, Aaricia et Tjall continue, avec une histoire qui se recentre sur ses héros et se divise pour nous faire vivre simultanément deux récits étroitement liés. Ici, peut-être plus que dans tous les autres albums de la série, les personnages se livrent, se dévoilent, se lient et se délient. Deux aventures, distinctes mais parallèles, se déroulent en deux lieux éloignés. Mais que ce soit dans la jungle épaisse ou sur un flanc rocailleux, les drames sont forts et intimes. Le destin de chacun change de direction…
Mais avant de parler de l’histoire et de tout couper en deux, remontons le temps vers les années 80, époque où l’ascension de Thorgal a côtoyé le déclin d’un modèle littéraire, économique et populaire, celui de la presse BD traditionnelle.
Quand Thorgal Tintinnabulait…
Deux albums dans la même année, en 1986, c’est un événement pour la série Thorgal ! Après « Le pays Qâ » en avril, voilà déjà la suite des aventures en terres chaams de Kriss, Thorgal et leurs compagnons d’infortune. Comme à ses débuts, Thorgal continue d’être prépublié dans la revue Tintin éditée par Le Lombard. A l’époque Tintin est l’un des magazines BD les plus connus en Europe de l’ouest, en kiosque depuis des décennies. Même si la revue vit ses dernières années — elle sera remplacée en 1989 par Hello Bédé, puis s’arrêtera définitivement en 1993 — elle propose encore la découverte en avant-première des albums et des talents de la maison d’édition.
La revue Tintin était plus qu’un tremplin pour les auteurs et séries du Lombard. Elle était le passage obligé, la consécration, avec des centaines de milliers de lecteurs dans ses meilleures années. Mais les années 80 sont plus difficiles pour la presse écrite, avec l’avènement de la télévision et de nouveaux loisirs. Peu à peu, il devient plus intéressant pour un auteur d’être publié sous forme d’album plutôt que dans la presse. Cette inversion des priorités semble avoir modifié le calendrier de publication. Jusqu’ici, la parution des albums venait souvent bien après la prépublication dans Tintin. Voici un calendrier pour les albums de Thorgal prépubliés dans Tintin et Hello Bédé.
La magicienne trahie Presque le paradis… | Tintin – Mars 1977 Tintin – Janvier 1979 | Album – Février 1980 |
L’île des mers gelées | Tintin – Avril 1978 | Album – Octobre 1980 |
Les trois vieillards du pays d’Aran | Tintin – Juin 1979 | Album – Octobre 1981 |
La galère noire | Tintin – Février 1981 | Album – Mai 1982 |
Au-delà des ombres | Tintin – Juillet 1982 | Album – Août 1983 |
La chute de Brek Zarith | Tintin – Février 1983 | Album – Juin 1984 |
Le drakkar perdu Le talisman Le métal qui n’existait pas L’enfant des étoiles | Super Tintin – Juillet 1981 Super Tintin – Juillet 1982 Super Tintin – Juillet 1983 | Album – Septembre 1984 |
Alinoë | Tintin – Janvier 1984 | Album – Février 1985 |
Les archers | Tintin – Juillet 1984 | Album – Septembre 1985 |
Le pays Qâ | Tintin – Décembre 1984 | Album – Avril 1986 |
Les yeux de Tanatloc | Tintin – Septembre 1985 | Album – Octobre 1986 |
La cité du dieu perdu | Tintin – Janvier 1987 | Album – Octobre 1987 |
Entre terre et lumière | Non publié | Album – Novembre 1988 |
La montagne d’Odin Holmganga Première neige Les larmes de Tjahzi Aaricia | Super Tintin – Octobre 1984 Super Tintin – Octobre 1985 Super Tintin – Décembre 1987 Super Tintin – Novembre 1988 | Album – Mai 1989 |
Le maître des montagnes | Non publié | Album – Octobre 1989 |
Louve | Hello Bédé – Mai 1990 | Album – Novembre 1990 |
La gardienne des clés | Hello Bédé – Février 1991 | Album – Juin 1991 |
L’épée-soleil | Hello Bédé – Janvier 1992 | Album – Avril 1992 |
On voit qu’au début des années 80 le rythme de prépublication était très élevé, avec en point d’orgue l’année 1984, qui offrit trois albums et une histoire courte en prépublication, le tout accompagné de couvertures réalisées spécifiquement pour la revue ! En 1986, ce fut très différent, puisque Thorgal ne fit aucune apparition dans Tintin ou Super Tintin. Le modèle de prépublication arrivait à sa fin, l’année 1986 a permis de rattraper le décalage entre la publication en revue et en album. Après cette année-là, seuls quatre albums et deux histoires courtes furent prépubliés, généralement peu de temps avant leur disponibilité en librairie.
Pour finir ce voyage dans les 80’s, voici les couvertures des revues Tintin qui mirent à l’honneur les albums du cycle de Qâ (cliquez pour agrandir). Deux de ces revues mettent en avant « Les yeux de Tanatloc ». Les toiles reproduites sur quatre de ces couvertures sont des œuvres de Grzegorz Rosinski réalisées pour l’occasion, et elles sont magnifiques ! Les deux dernières images sont les première et quatrième de couverture du recueil Tintin qui regroupa les revues parues en kiosque de mi-octobre à mi-décembre 1984.
Diviser pour régner
La dualité est au cœur de cet album. Duos et duels bâtissent et rythment l’histoire. Une histoire elle-même scindée en deux parties, puisque nous suivons en parallèle les aventures de Thorgal et Aaricia, d’une part, et celles de Jolan et Argun d’un autre côté.
Jusqu’ici, la série Thorgal s’était entièrement focalisée sur le héros qui lui donne son nom, avec trois exceptions très notables. La première fut un court détour par Brek Zarith, au début du sixième album, qui nous permit de rencontrer Jolan et Shardar, de visiter la forteresse que Thorgal s’apprêtait à prendre d’assaut, et de retrouver la belle Aaricia dans son premier beau rôle secondaire. La seconde fut un album complet, « Alinoë », proposant une seule histoire en un seul lieu, mais sans Thorgal. Mais que ce soit à Brek Zarith ou dans l’île des Aegirsson, il n’y avait pas d’alternance entre deux histoires, c’étaient deux moments où le statut de héros reposait temporairement sur d’autres épaules que sur celles de notre viking.
La troisième exception se trouve bien sûr dans « Le pays Qâ », le tome qui précède « Les yeux de Tanatloc », avec quelques scènes dans lesquelles le voyage d’Argun et de Jolan est brièvement évoqué. Courtes et allant à l’essentiel, ces scènes avaient aussi le bel avantage de proposer des pauses bienvenues dans le récit de la longue traversée de la grande mer.
Mais au pays Qâ, tout change.
Dès la première planche, le ton est donné. On ouvre le livre avec Jolan et Argun, pour les quitter aussitôt et rejoindre Thorgal dans la jungle. Le cri de souffrance et de détresse du petit garçon est ressenti par son père, dont les origines atlantes commencent déjà à être remises en avant au travers du lien psychique qui semble unir le père et l’enfant. La partie commence ici, les deux équipes d’aventuriers ne vont plus cesser de se renvoyer la balle. Leurs périples respectifs vont jouer l’alternance, sans jamais vraiment se rejoindre, sans jamais vraiment se quitter. Un coup de maître, qui repose sur les relations complexes et passionnantes qui sont tissées entre les personnages. Souvent par deux !
Dans la jungle, deux équipes ouvrent le bal. Thorgal et Aaricia sont là pour plusieurs raisons. On l’a compris dans le tome précédent, il y a au départ comme un problème. Aaricia s’inquiète, et pas seulement pour son fils. Car Kriss est belle, séduisante, forte. Thorgal parle beaucoup d’elle. Alors, pour les Aegirsson, cet album est aussi un moment de reconquête. Chacun des deux va retrouver, dans leur complicité et surtout leur fidélité sans faille, les raisons qui font qu’ils forment un couple indestructible. Ils commencent l’album en cheminant l’un derrière l’autre, ils le terminent main dans la main, avec un moral retrouvé.
Derrière eux, Kriss et Tjall forment un duo atypique. Totalement dominé, le jeune garçon est hypnotisé par les formes et le magnétisme de la jeune femme. Il en perd le sens des valeurs. Il s’oublie dans ses bras. Que pense vraiment Kriss de tout cela ? Elle le trouve sûrement mignon, forcément doué, certainement attachant. Mais il est aussi une personne sensible et droite. Alors, ne pouvant ni en faire une marionnette, ni un compagnon dévoué, elle finit par le rejeter. Avec dégoût.
Que dire aussi des rapports entre Kriss et Aaricia ? Les deux femmes continuent à s’affronter. Au début de l’album, elles le font par les mots et les gestes, et ça se termine même par une jolie bagarre dans la boue, un bain qui aura un écho lointain et sexy dans l’album « Kriss de Valnor », bien longtemps après tout cela. Mais ce second album dans la jungle de Qâ est surtout pour le duo celui du renversement des forces. Kriss le commence en position de leader. Elle est là où elle souhaitait être, avec les compagnons qu’elle a choisis, et une mission clairement définie. Au sein du groupe, on fait ce qu’elle dit et ce qu’elle veut. Aaricia est un petit caillou dans sa chaussure mais, après tout, si elle meurt, ce n’en sera que plus jouissif ! Et pourtant l’album se termine sur une situation totalement inversée. Kriss ne maîtrise plus son groupe, elle ne donne plus d’ordres et n’a plus aucun allié. Aaricia a gagné la bataille, simplement en montrant du courage et de la loyauté.
Entre Thorgal et Tjall, c’est finalement tout aussi compliqué. Il faut bien le dire, on ne s’y attendait pas du tout. La complicité née pendant l’épisode « Les archers » n’est pas si facile à préserver. En début d’album, Thorgal s’agace de la sensibilité de son jeune compagnon. Les bavardages de Tjall passent moins bien, quand on est épuisé, qu’on a chaud et peur pour ses proches. La trahison du garçon vient même briser leur amitié naissante. Cet album fracture un peu le personnage de Tjall, mais il lui donne aussi une profondeur, une autre forme de fragilité, qui ne fait que renforcer sa présence et son intérêt. A son détriment, malheureusement pour lui.
Si on reste encore un peu dans la jungle, il faut bien sûr s’attarder sur le dernier duo notable, celui formé par Kriss et Thorgal. On le sent dès les premières pages, Kriss peine à faire de Thorgal le chien de guerre dont elle rêvait. Elle le voyait comme le mercenaire idéal, fort, inébranlable, dévoué à elle grâce à son stratagème. Mais leurs rapports restent durs, distants, et la présence d’Aaricia n’arrange rien. Lorsque Thorgal, gravement blessé, devient plus un problème qu’un atout pour la mission, Kriss comprend qu’elle risque de perdre tout le groupe. Alors, elle se choisit un nouveau compagnon, et abandonne ceux qu’elle estime être devenus inutiles. Un mauvais calcul, mais qui ne lui fait pas complètement perdre le fil de son objectif. A ce moment de la série, Thorgal ne semble pas encore être pour elle autre chose qu’un outil de qualité, difficile à maîtriser.
De l’autre côté du continent, Jolan et Argun ne se quittent plus… au début de l’album. Par la suite, leur couple improvisé se sépare rapidement, chacun des deux se trouvant sur place les activités et intérêts qui lui correspondent. Pour Argun, ce sera le farniente d’une vie en apparence calme, apaisée, et pour Jolan, ce sera la rencontre d’un homme aux pouvoirs et aux connaissances tout aussi séduisants. Finalement, si Argun et Jolan ne se quittent guère, ils vont se réaliser l’un sans l’autre.
Pendant qu’Argun se découvre sur le tard une nouvelle vie et de nouveaux défis, le jeune Jolan se tourne donc vers Tanatloc, un mystérieux vieillard. L’histoire que le vieil homme va raconter à Jolan le rattache rapidement au peuple venu des étoiles. Le bras mécanique, aperçu sous un drap, finira de confirmer la nouvelle : Jolan et Tanatloc sont liés, d’une façon que rien ne peut délier. Par le sang. Une fois tout cela confirmé, il ne manque plus qu’un passage de témoin entre ces deux générations de surhommes. Il se fera lors d’une des scènes les plus mythiques de la série, lorsque les yeux et l’esprit de Jolan et Tanatloc vont se rejoindre, s’allier et réussir l’impossible. Une vie pour une vie, Tanatloc paie son exploit très cher, au même prix que celui que Shaniah avait payé en allant « Au-delà des ombres ». Mais c’est pour lui tout autant le prix de l’espoir que celui de la rédemption.
Jolan, le fils. Thorgal, le père. Tanatloc, l’arrière-grand-père. Il ne manque plus qu’un maillon dans la chaîne des générations.
« La cité du dieu perdu » se chargera bientôt de nous le rappeler.
Un but partout, balle au centre
L’histoire est coupée en deux. Mais le pays Qâ l’est tout autant. La guerre des dieux venus du ciel a scindé la contrée en deux et, manifestement, le parti d’Ogotaï s’apprête à remporter la guerre.
Au-delà de leurs connaissances scientifiques et de leurs pouvoirs mentaux, les deux demi-dieux ont su s’imposer personnellement, faire d’eux-mêmes l’objet d’un culte qui donne courage, peur ou folie à ceux qui les suivent. Chaque jour, on vit et on meurt pour eux. Variay, le régent des Xinjins, a bien compris cela. Il sait que seul le culte de Tanatloc permet à son peuple de garder espoir, de trouver la force de combattre, de se relever après chaque défaite. Il vit les dernières heures de Tanatloc avec douleur et crainte.
Si la cité des Chaams va encore, pour un temps, rester dans la brume, celle des Xinjins se dévoile et émerveille. A la fois bâtie et creusée dans la roche, au creux d’un canyon perdu dans le désert, la ville a profité de l’abri naturel que les torrents, au cours des siècles, ont modelé en grignotant la pierre. Avec ses tours rondes, ses maisons rectangulaires, sa structure étagée et ses toits plats renforcés par des rondins de bois, elle rappelle les cités occupées il y a 700 ans par les Anasazis, un peuple d’Amérique du nord qui bâtit des villages à flanc de falaises, dans les parois de canyons. Les Anasazis ont occupé un immense territoire, autour de fleuves comme le Colorado ou le Rio Grande, avant d’en disparaître assez soudainement. Leur histoire et leur architecture troglodytique ont inspiré les auteurs de Thorgal. Ces maisons atypiques participent à la légende du pays Qâ. La cité Xinjin, par sa conception et par son emplacement, symbolise parfaitement la condition du peuple qui y vit. Pourchassés, acculés, les derniers résistants se sont terrés en un lieu où les navires volants d’Ogotaï ne peuvent pas manœuvrer. Cette cité isolée, c’est un peu le chant du cygne d’un peuple courageux mais au bord de l’extinction.
Comme ce fut le cas pour les Anasazis, l’emplacement de la cité Xinjin ne permet pas de centraliser toute l’activité humaine. Même si on ne les voit pas dans l’album, on peut imaginer que des champs irrigués sont entretenus en dehors du canyon, et que les vaisseaux volants de Tanatloc sont conçus et parqués en un autre endroit plus pratique.
Bien loin de là, la cité chaam d’Ogotaï se dresse fièrement vers le ciel, au cœur d’une jungle luxuriante. On en reparlera bientôt, dans l’album suivant qui lui est consacré tout entier.
Si, bien évidemment, Christophe Colomb et quelques autres ont ouvert la voie du Nouveau Monde à la vieille Europe, l’histoire du Pays Qâ part d’un autre constat intéressant et peut-être moins connu. Bien avant l’explorateur génois, d’autres européens avaient foulé le sol américain. Les Vikings, d’origine scandinave, étaient un peuple aventureux qui n’hésitait pas à parcourir de grandes distances en mer, notamment dans l’espoir d’atteindre des côtes prospères où effectuer quelques pillages, échanges commerciaux, voire s’installer. Entre le VIIIème et le XIème siècle, ils déferlèrent sur l’Europe et s’installèrent en Angleterre, en Écosse, dans l’actuelle Normandie, en Russie, en Italie, en Sicile…
Au cours de leurs voyages nordiques, ils découvrirent aussi l’Islande et l’immense Groenland, et s’y installèrent. Certains d’entre eux ont poursuivi leur route vers l’ouest et abordé les côtes de l’actuel Canada.
Le peuple qui a déposé Argun et Jolan au pays Qâ pour le compte de Kriss de Valnor s’apparente à ces marins du nord courageux, qui traversèrent mers et océans pour repousser toujours plus loin les frontières de leurs connaissances et des territoires explorés.
Allez, une petite dernière excursion historique ?
Au cœur du récit, alors que Thorgal sent qu’il ne pourra peut-être pas poursuivre le voyage bien longtemps à cause de ses blessures, le groupe d’aventuriers tente une manœuvre tout aussi dangereuse qu’efficace. Il attire les gardes d’Ogotaï, afin de se trouver un nouveau guide pour rejoindre Mayaxatl.
Pour descendre de leur navire de guerre, les guerriers chaams utilisent de curieux parachutes. Une toile carrée, percée d’un trou central, est fixée sur un cadre de bois auquel on a ajouté une structure en bois permettant à l’utilisateur de se suspendre à l’objet et de le manœuvrer. Le concept et les postures des parachutistes rappellent un célèbre dessin de Léonard de Vinci. Le savant florentin fut l’un des premiers à réfléchir scientifiquement à un concept qui permettrait à un homme de voler, de planer, de sauter d’une falaise sans se transformer en viande hachée. Comme pour beaucoup de ses idées, Léonard n’alla pas au bout de l’exercice et ne finalisa pas l’invention, mais les idées, comme les arbres, doivent avant tout commencer à germer.
Bien longtemps après tout cela, c’est Thorgal lui-même qui utilisera une aile volante, ancêtre du deltaplane, pour s’élancer dans les airs au-dessus du royaume de Zhar. Une scène improbable à voir dans « Le mal bleu » !
Au commencement, ils étaient deux
Vous étiez deux, nous serons trois
Si vous m’emmenez dans ce périple…
(Chanson de l’horloge)
Jean Van Hamme est un conteur hors-pair. Observer cet album permet, encore une fois, d’en prendre conscience. Partager l’histoire en deux n’est jamais simple en bande dessinée, mais la force du scénariste est ici d’équilibrer à merveille les deux récits, qui se nourrissent sans cesse l’un de l’autre, s’interpénètrent, se rejoignent sans jamais s’atteindre. Les planches s’équilibrent entre les deux groupes humains, celui de Thorgal qui progresse dans la jungle, celui de Jolan qui se cache dans un recoin de la montagne.
Si on prend le temps de feuilleter l’album, on voit que les planches réagissent les unes aux autres. On voit que la dernière image en bas de chaque recto est conçue pour inciter à tourner la page, à dévorer l’album. De nombreuses pages mêlent des images venant des deux histoires, et pourtant la lecture ne perd jamais sa fluidité, son sens. L’osmose entre le scénariste, Jean Van Hamme, et le dessinateur, Grzegorz Rosinski, est au sommet. Ils se comprennent, ils se complètent. Ils s’aiment.
Hé oui, puisqu’on parle de duo, le premier d’entre eux est bien sûr celui formé par les deux auteurs qui, en 1986, se connaissent depuis 10 ans et partagent désormais un pan important de leurs vies. C’est certainement l’un des secrets de la réussite de Thorgal, quelque chose qui ne s’explique pas mais qui fait qu’une rencontre aboutit parfois à de très belles choses.
Non loin d’eux, il y a aussi le troisième acteur, un peu plus passif mais émerveillé. Cet acteur, c’est toi et moi, lecteur ou lectrice, qui reposons un à un les albums du cycle de Qâ en sachant que nous trouverons dans le tome suivant tout autant de rêve, d’aventure et d’émotion.
A suivre dans « La cité du dieu perdu ».