Neokóra
Sur le chemin du retour, Thorgal et ses compagnons croisent la route d’un navire en perdition, dont le pont est jonché de cadavres. Dans le bateau errant, recroquevillée dans les ténèbres, une ombre menaçante attend son heure. Mais elle n’est pas seule à bord…
Jolan regardait ses pieds. Guidée par les balancements irréguliers du bateau, une fine couche d’eau froide venait de temps à autre les recouvrir, avant de repartir à l’autre bout de la coque, sûrement à la recherche d’autres pieds à taquiner.
Le jeune homme avait renoncé depuis longtemps à relever les jambes pour éviter la nappe d’eau gelée. Des ruisselets de mer perlaient sans cesse par de fines fissures entre les clins de bois. Les chausses de Jolan en étaient imbibées et lui donnaient l’impression de porter des bottes lestées.
Nouvelle vague. Nouvelle déferlante sur ses pieds.
L’esprit de Jolan vagabondait, comme le bateau de Thorgal. Son père, solide à la barre en face de lui, affichait un sourire que Jolan ne comprenait pas toujours. Thorgal était heureux. Trempé, frigorifié, épuisé par la lutte nocturne contre l’eau noire et par leurs récents combats… mais heureux.
Qu’est-ce qui te porte, Thorgal ? Qu’est-ce qui t’anime et maintient chez toi cette combativité animale, cette confiance, cette force ? Jolan s’interrogeait sur son père tout autant que sur lui-même. Parce qu’il était peut-être temps, pour lui aussi, de s’ouvrir un chemin qui lui redonnerait le sourire. De donner du sens à sa vie.
La vaguelette glacée était de retour. Machinalement, Jolan releva les jambes pour l’éviter.