Skald
Lundgen a réussi à persuader Aaricia de la mort de sa fille. Plus que jamais seule au monde, la petite Louve lutte pourtant pour sa survie, au cœur d’une forêt qui devient peu à peu un piège mortel. La chasse est lancée, y survivra-t-elle ?
Suite de « Crow ».
« Skald » est le cinquième album de la série Louve, au sein de la collection Les Mondes de Thorgal. Il a paru le 30 janvier 2015.
Alors que Thorgal est toujours à la recherche d’Aniel, son fils disparu, Louve et Aaricia sont restées au village, seules face à la méfiance ou à la haine de villageois qui n’ont pas pardonné les erreurs de Thorgal et n’ont pas oublié la cruauté de Gandalf.
Désireux de faire d’Aaricia son aimée, Lundgen n’a pas hésité à faire croire à la mort de Thorgal, puis à tenter de faire assassiner Louve. Désorientée, profondément malheureuse, Aaricia est désormais un jouet dans les mains de son nouveau compagnon.
Au même moment, Louve lutte pour sa survie, dans la forêt. Une terrible prédatrice cherche à la retrouver et sème les cadavres sur son chemin.
Tandis que Louve se cherche de nouveaux alliés, Aaricia s’apprête à quitter définitivement le village de son enfance.
Fin de cycle
Cet album vient clore en partie les intrigues lancées dans les tomes précédents — le cycle du mage déchu dans les tomes 1 à 3, le cycle de la louve noire lancé dans l’album précédent. Beaucoup de réponses donc, mais aussi de nouveaux rebondissements qui auront certainement de l’importance et des répercussions dans les autres séries de Thorgal.
Descendue au plus bas dans les tomes précédents, Aaricia s’efforce ici de retrouver un peu d’allant. Elle sort d’une longue période de doute, marquée par la dépression et le suicide, par l’abandon des autres et de soi-même. Une ambiance triste qui laisse des traces dans son personnage. Elle n’a jamais semblé aussi fragile.
Privée de Thorgal et de Jolan depuis bien longtemps, la jeune femme ne peut plus compter sur personne dans un village qui l’a ostracisée. Son amie de toujours, Solveig, semble avoir disparu, peut-être partie au loin. Hiérulf ne semble plus être là non plus. Peut-être mort, il semblait très âgé. Seuls les fantômes du passé accompagnent Aaricia, désormais, et la plupart d’entre eux ne jouent malheureusement pas en sa faveur, à cause des multiples drames subis dans le village, en partie à cause de ses proches.
De son côté, Louve continue ses jeux de guerre mais montre tout de même des limites, logiques à son âge. Elle s’impose comme un personnage aux contours solides, guidée par le modèle d’un père pourtant absent mais à l’aura légendaire. Mise en danger tout au long de l’album, elle parvient aussi à s’en sortir grâce à ses alliés de circonstance, animaux ou humains.
Bien que très secondaire dans l’histoire, l’homme qui donne son nom à l’album est bien sûr au cœur des débats. La lecture du premier tome de La jeunesse de Thorgal, «Les trois soeurs Minkelsönn » est conseillée pour avoir toutes les clés. Nouveau fils caché de Thorgal ? Héritier mystérieux du peuple des étoiles ? Tant que les réponses n’ont pas toutes été données, on peut rester prudent sur la question, même si de nombreux éléments semblent faire de Skald le nouvel Aniel de la série. Un deuxième fils illégitime muet, ce serait quand même une sacrée curiosité.
Lycanthropie (2)
(Voir la première partie de cet article en suivant ce lien)
Jusqu’ici plus sauvageonne que sauvage, l’enfant Louve continue à expérimenter ses pouvoirs, à développer ce qui fait d’elle un être unique dans son monde. Dans les premiers tomes de la série, le mage Azzalepstönn a permis à Louve de découvrir une part sombre de son être, la part sauvage qui la mue en semi-homme.
Après avoir combattu et vaincu cette part sauvage dans l’album « Le royaume du chaos », Louve fait ici le choix de s’abandonner à cette seconde nature, qui lui permet d’être plus forte, plus endurante, plus agressive. Sa survie est en jeu.
La petite fille ne cache plus que ses deux natures coexistent et communiquent. Le rituel magique d’Azzalepstönn semble avoir eu des effets secondaires étonnants. Les deux Louve se parlent, se sentent, s’opposent au sein d’un même corps, qui reste cependant dominé par la personnalité habituelle de la fillette. Mais ce trouble dissociatif qui la perturbe depuis plusieurs albums passe ici à l’étape suivante. Louve choisit d’abandonner son corps à sa moitié sauvage.
La transformation est physique, tout autant que psychique. Le passage d’un état à l’autre se fait grâce à un serment de sang, une automutilation rituelle qui donne au geste le poids d’un pacte cérémoniel.
La Louve que l’on connaît s’écarte alors et se recroqueville dans un coin de sa propre personnalité, laissant le champ libre à un être à la fois identique et différent. La Louve qui s’éveille alors est forte, mais elle est aussi impitoyable, potentiellement dangereuse, désinhibée. Ses ongles sont devenus des griffes, son sourire carnassier dévoile des crocs.
Pour cette fois-ci, Louve joue bien le coup, en incluant dans le pacte une clause qui lui permet de reprendre le contrôle de son propre corps. Mais que se passera-t-il, la prochaine fois ? Ne risque-t-elle pas de finir par s’abandonner à son double sauvage et de devenir, comme Raïssa, le monstre de nos cauchemars, le loup humain, prédateur de sa propre espèce ?
Le messager
Vigrid est devenu un personnage récurrent dans les albums récents. Le dieu polymorphe a fait sa première apparition dans l’album « Aaricia », en 1989. Il semblait tout jeune à l’époque, bien que le temps s’écoule différemment en Asgard et Midgard. Bien longtemps après, Jean Van Hamme l’a fait revenir en 2006 dans « Le sacrifice » en guest star, afin de permettre à Aaricia et aux enfants de raccourcir leur voyage de retour, et d’être chez eux quand Thorgal fit enfin son retour.
A la reprise de la série par Yves Sente, les habitants d’Asgard sont devenus beaucoup plus présents qu’auparavant, et Vigrid avec eux. Dieu messager et dieu protecteur, il a fait de multiples apparitions dans les albums récents. Il fait le lien entre les mondes, il délivre les messages, il transporte sur son dos de cheval ailé, il impressionne en ours géant, il accompagne en dauphin. Un dieu multi-services, qui n’avait pourtant jusqu’ici que peu brillé, tant son rôle se cantonnait à donner des coups de main.
Yann choisit dans cet album de donner à Vigrid le rôle de sa vie. Le parcours de ce dieu débonnaire et trop mignon devient, soudainement, bien différent. C’est une surprise, c’est sûr, d’autant que peu de signes pouvaient laisser imaginer un tel dénouement après tant de temps. Mais l’occasion est belle pour ce personnage d’exister enfin, autrement qu’au travers des autres. Le gentil messager quitte la famille qu’il a tant aidée et tant aimée, pour rejoindre un lieu qui risque de le changer à son tour en monstre.
Déjà bien esseulée, Aaricia perd ici l’un de ses derniers alliés. Sera-t-il toujours un ami, lorsqu’on le retrouvera, après son passage dans les profondeurs ? Une affaire à suivre.