Amélie Sarn, auteur de l’adaptation en romans de la série Thorgal, a accepté de répondre à quelques questions peu de temps avant la parution du premier tome « L’enfant des étoiles ». Un grand merci à Amélie pour sa gentillesse et sa disponibilité.
« L’enfant des étoiles » est le premier roman issu de l’univers de Thorgal, alors que la série existe depuis très longtemps. Comment en êtes-vous arrivée à travailler sur « Thorgal » ?
L’éditeur avec qui j’ai l’habitude de travailler [Milan] a acheté la licence Thorgal, et mon éditrice m’a demandé si j’étais intéressée. J’ai sauté sur l’occasion parce que je suis super fan depuis le tout tout début. Ça a été tenté à plusieurs reprises, de faire un roman à partir de Thorgal, apparemment ni Le Lombard, ni Van Hamme, ni Rosinski j’imagine, n’avaient été convaincus par ce qui leur avait été proposé. Moi, ça m’a semblé assez rapidement évident car comme je vous le disais je suis fan de la série.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’histoire qui est développée dans le roman ?
En fait, je reprends l’histoire de Thorgal. J’ai souhaité resserrer l’intrigue, parce que, quand Van Hamme et Rosinski ont commencé, ils ne savaient pas qu’ils allaient en faire autant. Ça se lit, ça se voit, il y a de petites incohérences dans les retours en arrière. Mon but est de raconter dans Thorgal les deux choses qui me paraissent les plus importantes, sa quête d’identité et sa famille.
Vous vous êtes basée sur les albums ?
Le tome 1 va du moment où Thorgal est trouvé par Leif dans la mer jusqu’au moment où il part enfin avec Aaricia. Je me suis complètement basée sur les albums, sauf qu’évidemment, et bien entendu avec l’accord de Jean Van Hamme, j’ai fait des modifications. D’une part il y avait des choses qui ne collaient pas, d’autre part j’ai raconté plein de choses que Jean Van Hamme n’avait pas eu l’opportunité de mettre dans la bande dessinée. On apprend beaucoup sur Thorgal enfant, plein de choses sur sa mère par exemple, sur son premier amour, qui n’est pas Aaricia… Bien entendu tout a été passé au crible par Jean Van Hamme qui est le créateur, je ne me serais pas permis de faire quoi que ce soit sans son aval. Je suis super contente parce qu’il a adoré, il a même autorisé à ce qu’on l’écrive sur la 4ème de couv’, qu’il a trouvé ça super bien. J’étais ravie.
Vous avez donc pu ajouter pas mal de choses par rapport à la bande dessinée.
Oui, en fait c’était ça l’idée, reprendre la trame telle qu’elle est dans la bande dessinée pour que les lecteurs, les fans, s’y retrouvent — comme moi, c’est ce que j’avais envie de lire ! — et mettre ce que les auteurs n’avaient pas eu l’opportunité de creuser dans la bande dessinée. On a son enfance, comment et pourquoi il est devenu ce qu’il est. J’explique aussi les raisons de sa double personnalité, que Van Hamme a exploré après avec Shaïgan, parce que Thorgal est un type qui ne veut que la paix, et qui en même temps est quand même super violent, et très en colère, tout le temps. J’explique pourquoi il a ces deux choses en lui, d’où elles viennent.
On va avoir des réponses à nos questions !
En tout cas vous allez avoir mes réponses [rires].
Le livre sera une source d’inspiration supplémentaire… Est-ce qu’il est prévu de continuer ?
Oui bien sûr, je suis en train d’écrire le tome 2, qui racontera l’histoire de la disparition d’Aaricia au moment où elle est enceinte et les errements de Thorgal jusqu’à ce qu’enfin il retrouve Aaricia et Jolan [prononcé Yolan]… moi je dis Yolan…
Tout le monde a sa version…
Oui ! [rires]… et jusqu’au moment terrible où ils vont découvrir que leur gamin a des pouvoirs, et qu’il ne savent pas très bien quoi faire.
On reste dans le début de la série, des albums qui ont beaucoup marqué ceux qui l’apprécient beaucoup.
Oui, et il y aura un troisième roman. Au début du tome 1 Thorgal essaie de retrouver ses origines, à la fin du tome 1 il se dit que finalement ça ne l’intéresse pas, il ne veut pas y aller. Pour toutes ses origines, que ce soient les vraies ou celles des Vikings qui l’ont élevé. Dans le tome 2 il est obligé de retrouver les Vikings, et surtout, dans le 3, il va se retrouver face à ses véritables origines. C’est la trame générale.
Vous avez tout prévu !
Oui oui ! Je n’écris jamais au hasard, je me laisse bien sûr une marge de découverte, de surprises, mais je sais toujours exactement où je vais de façon à pouvoir distribuer mon intrigue et les pics d’intérêt correctement dans mes romans.
Vous avez échangé avec les auteurs tout au long de l’écriture du roman ?
Je n’ai pas échangé directement avec Jean Van Hamme, qui est un monsieur qui aime beaucoup sa tranquillité, j’ai échangé malgré tout avec lui mais de façon indirecte, par le biais de son éditrice, pour toutes les questions que j’ai pu poser. J’ai modifié des choses en particulier par rapport à Slive, la reine des glaces, il y avait des choses qui ne collaient pas. Il y avait des choses en revanches qui me semblaient s’imposer, donc je lui ai fait trois-quatre courriers auxquels à chaque fois il a répondu « super, super, c’est génial, vous avez carte blanche, allez-y ! ». Il m’a laissée extrêmement libre, vraiment, tout en me soutenant, en disant c’est très bien, allez-y continuez. Dès la deuxième lettre c’était allez-y, je vous fais confiance, vous avez carte blanche. Quant à Rosinski, j’ai eu un contact avec lui parce qu’il avait besoin d’informations pour faire la couverture, je les lui ai données, il a fait une superbe couverture, vraiment ma-gni-fique.
C’est vrai, elle est superbe. Elle donne quelques renseignements sur l’histoire avant d’ouvrir le livre. D’ailleurs, est-ce qu’il contient des illustrations ?
Il n’y a pas d’illustrations à l’intérieur, juste cette couverture, vraiment très belle.
Parlons un peu de vous, vous étiez lectrice de Thorgal avant d’être auteur, c’est intéressant de savoir que c’est une fan qui écrit les romans.
Je ne sais pas… si c’était quelqu’un qui n’était pas fan… Moi je connaissais par cœur les albums, je les ai lus 50 000 fois ! Quand j’ai soumis mon projet au Lombard, et donc à Van Hamme, je pense que c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a été accepté, je les avais tellement intégrés, je ne les ai pas découverts pour écrire. C’était très digéré, tout en respectant, je crois, totalement l’esprit.
Un plaisir pour beaucoup de fans ! Écrire, imaginer, découvrir, s’interroger sur la série…
[rires] Moi aussi je me pose plein de questions ! Et ça m’intéresse d’entendre les questions des autres. J’ai parcouru le forum [du site Thorgal-BD] j’irai voir d’un peu plus près parce que je me suis dit que c’est une super source pour moi, voir toutes les questions que les gens se posent sur Thorgal.
Oui, les discussions partent dans tous les sens, aussi bien sur des sujets sérieux ou drôles… On a commencé à parler du roman d’ailleurs, les gens s’inquiètent toujours un peu.
Je comprends, je comprends leur inquiétude. J’aurais la même, je pense. Mais j’ai vraiment essayé de rester au plus proche de l’esprit et, comme je disais, ma meilleure garantie, c’est le fait que Van Hamme ait aimé. C’est la seule chose que j’attendais vraiment, savoir si lui, il aimerait. Il a aimé, je suis complètement rassurée.
Justement, on peut dire que c’est à la fois une adaptation et, en partie, une histoire originale, puisque vous ajoutez des passages personnels qui ne sont pas dans les albums. Est-ce que vous pensez, à un moment ou un autre, écrire une histoire qui serait complètement originale ?
Je ne sais pas… Je n’y ai pas songé avant que vous me posiez la question ! C’est la fan qui parle encore, mais ce que j’aimerais bien, mon rêve… mais bon ce n’est pas faisable, je ne vais pas marcher sur les plates-bandes d’Yves Sente, mon rêve serait qu’on me confie un album, puisque je suis scénariste de bandes dessinées par ailleurs. J’aimerais bien qu’on me confie la suite de Thorgal ! [rires] De Jolan en l’occurrence. Mais sinon au niveau du roman je ne sais pas. Je crois qu’il va falloir que j’attende un peu de voir comment est reçu ce que j’ai fait. Sous la forme de roman, je n’y avais pas songé. Et puis, c’est tellement riche, que ça ne me semble pas indispensable pour l’instant sous forme de roman. Après, s’il y a des demandes par rapport à ça, oui, j’y songerai certainement. Pour l’instant je me nourris de ce qui existe déjà et qui est très riche.
Quelques mots sur votre parcours d’auteur ?
J’ai publié mon premier roman en 1994, je crois, il y a 15 ans. Je suis essentiellement écrivain pour la jeunesse, j’ai écrit plein de bouquins pour les gamins de tous les âges, de l’album, jusqu’au roman pour les grands ados, en passant par tous les âges intermédiaires. J’ai publié une bonne soixantaine de livres. Je suis également traductrice, j’ai traduit pour la jeunesse une soixantaine de bouquins ou plus. J’ai publié chez Albin Michel un roman pour adultes [Elle ne pleure pas, elle chante] qui va être adapté en film incessamment, ils ont commencé le casting. Je fais de la bande dessinée depuis quelques temps, j’ai une série chez Dargaud [Nanami], un petit diptyque chez Delcourt, « Trop mortel », là je suis en train de travailler pour Quadrant, « Le temps des cerises », plutôt pour les adultes et qui sort en 2010. J’ai fait une bande dessinée avec mon compagnon Marc Moreno au dessin, qui s’appelle Loup, chez un petit éditeur Les enfants rouges, un roman graphique. Et là, ensemble, on travaille sur une nouvelle série pour Delcourt qui s’appelle « Dark blood », une histoire de vampires, qu’il est en train de dessiner et ne sortira pas avant un an.
Merci beaucoup !
C’est moi qui vous remercie de votre intérêt.
(entretien réalisé le 2 novembre 2009)