L’atelier Attakus a accueilli le webmestre du site Thorgal-BD en février 2010. Récit de la rencontre.
A Montreuil
« Après une prise de contact téléphonique avec Attakus, on me propose une visite de l’atelier et une rencontre avec les sculpteurs, à Montreuil-sous-Bois. Il fait -4° mais je traverse la ville à pied, ça réchauffe. L’atelier est bien caché, il faut savoir ce qu’on cherche pour le trouver. La porte d’entrée est spectaculaire !
Je suis accueilli par Philippe, le directeur commercial d’Attakus. L’endroit est partagé en quatre parties : l’accueil commercial, la direction, l’atelier et la zone de stockage. J’accompagne Philippe dans le bureau de la direction, vide car les chefs sont en vadrouille.
Comme vous le voyez, l’ambiance du lieu est très détendue, du coup je suis tout de suite à l’aise. On discute un long moment, Philippe est un gars adorable, il me parle de son métier, de l’atelier et de ses créateurs. On parle des statuettes Attakus bien sûr et des différentes licences qui se sont succédées, de Marvel à Star Wars, en passant par la BD franco-belge, dont Thorgal. Il n’est pas toujours facile de travailler sous licence, les contraintes sont nombreuses, un travail de passionné à l’évidence.
Entre deux statuettes, Philippe me présente les design toys d’Attakus, un univers que je ne connaissais pas, des jouets pour adultes collectionnables, comme les Alyenz présentés sur l’étagère ci-dessous. »
Dans l’atelier
« Philippe m’emmène dans un couloir étroit, dont le mur droit est couvert d’étagères, remplies de cartons, de moules, de prototypes. Oh, plein de merveilles cachées là-dedans !
Au passage je remarque une statuette que je connais et qui se la joue Vénus de Milo comme me fait remarquer Phil’. Kriss de Valnor ! Blanche, quasi-nue et démembrée, la belle est plutôt bien entourée, entre Obi-Wan et Wolverine, Luke Skywalker et la sculpturale Carmen Mac Callum. On trouve aussi une belle collection de têtes, de toutes sortes et de toutes dimensions, parfois empilées dans des bocaux.
Il y a aussi la chouette princesse Leia, dans son bikini métallique que j’ai toujours trouvé ultra sexy.
Juste après, me voici dans l’atelier de sculpture. un grand espace avec de la BD, du comics et du film culte dans tous les recoins. Il y a quatre sculpteurs en ce moment chez Attakus. Chacun a son petit coin de travail, mais à vrai dire, des coins, il y en a partout, un joyeux bazar très attirant. Les yeux papillonnent vers de multiples petites — ou grandes — merveilles.
Philippe me présente Rachel, la sculptrice qui a réalisé le buste de Thorgal. Rachel s’est occupée seule de ce buste — les sculpteurs sont souvent plusieurs sur un même projet. Elle s’est inspirée du dessin de la famille Aegirsson, au dos des albums. »
Secrets de fabrication
« Rachel travaille d’abord sur de la cire, plus facile à travailler mais trop fragile pour supporter les détails. Lorsque l’esquisse générale de la statuette est prête, un moule du prototype est réalisé puis une première mouture en résine est fabriquée. Plus résistante, elle permet de travailler les détails.
On ne moule pas la statuette entière, elle est fabriquée en plusieurs étapes. Par exemple, pour la statuette de Thorgal, il y avait le buste, l’arc, l’épée, les mèches du front, le socle…
Voici d’ailleurs deux photos « collector » avec d’abord un prototype du buste de Thorgal (sans armes, on voit que les cheveux à l’avant sont un ajout), puis plusieurs têtes du Viking, des essais de visage que Rachel a conservés sur son bureau.
Vous remarquerez aussi l’épée et le carquois, complet. Sur la statuette il est coupé.
Une fois le prototype terminé, des moules en élastomère (matière souple et résistante) sont réalisés et une statuette est fabriquée. Voici certains des moules utilisés pour les bustes thorgaliens. Le moule de la statuette d’Aaricia est sur la première photo, sur la seconde il s’agit du bandeau ornant les socles des cinq bustes.
Les prototypes définitifs sont ensuite peints à la main, encore une fois en se basant sur les modèles. L’arrière des albums pour Thorgal, par exemple. Les mélanges de couleurs sont réalisés spécifiquement pour chaque sculpture, et notés dans un classeur secret mystérieux.
Le buste de Thorgal a demandé 35 jours de travail environ à Rachel. Évidemment, ce modèle final doit être validé par l’équipe d’Attakus — mais je suppose que cela se fait tout au long du processus — et surtout par l’auteur, ici donc Grzegorz Rosinski. Qui peut tout à fait refuser ! Ce qui ne fut pas le cas.
Ensuite, avant la commercialisation, les moules et le modèle peint sont envoyés en Chine où un atelier fabrique les statuettes, qui sont ensuite peintes à la main par des peintres locaux qui reproduisent le moindre détail de la peinture d’origine.
Les statuettes sont placées dans des cocons de polystyrène eux-mêmes glissés dans des boîtes en carton, avec un certificat d’authenticité numéroté (la plupart des réalisations Attakus sont en série limitée). Dernière étape, retour en Europe ou aux USA pour la commercialisation, essentiellement en ligne ou dans les magasins spécialisés BD. »
Dans les entrailles de la bête
« J’accompagne Philippe qui se dirige vers le fond de l’atelier, jusqu’en haut d’un escalier raide et étroit.
J’imagine les sculpteurs descendant cet escalier avec dans les bras un prototype de 25 kilos, représentant une centaine d’heures de travail ! Peut-être que cet escalier a connu quelques explosions de résine, accompagnées des gémissements d’horreur du stagiaire qui vient d’échapper le super buste collector qu’on lui avait confié… C’est l’escalier du bizut.
Nous descendons jusqu’à accéder à un entrepôt sous l’atelier. Avec des centaines de caisses et de cartons de toutes tailles, contenant des centaines de statuettes et bustes réalisés par Attakus. La caverne d’Ali Baba. Un peu comme les archives du Pentagone, dans le premier Indiana Jones, quand ils stockent l’arche d’alliance.
Philippe me fait traverser la salle du trésor jusqu’à une série de caisses en préparation. Dans la première, me voilà nez à frange avec Thorgal himself ! Ou presque, le pauvre ayant été amputé des quatre membres.
Il s’agit de trois prototypes du buste grandeur nature de Thorgal sur lequel le sculpteur Etienne Aillaud travaille depuis plusieurs années. Le premier est blanc, retouché par endroits, peut-être celui exposé à Saint-Malo en 2007. Le deuxième est « marron orangé ». Le troisième prototype est très attractif car il est entièrement peint, un galop d’essai pour les couleurs.
Les bustes devaient partir quelques jours plus tard pour la Suisse, chez Grzegorz Rosinski, pour une séance de retouches et d’échanges entre les sculpteurs montreuillois et le dessinateur polonais.
Je me balade chez Attakus depuis près de deux heures en empêchant tout le monde de bosser… Je les quitte donc, ravi de mon intrusion, ravi également de pouvoir vous faire découvrir un peu de leur univers de passionnés talentueux. »