Beaucoup de matériel dans l'atelier du peintre... Beaucoup de documentation aussi, des photos, des esquisses, des idées griffonnées sur le papier.
Les murs sont couverts de toiles. De nombreux travaux préparatoires, parfois très anciens, sont conservés dans des classeurs.
Après avoir reçu le scénario écrit par Yves Sente, Grzegorz Rosinski réalise un story-board détaillé dans un carnet. En se basant sur le découpage et les indications du scénariste, il définit les cadrages, la mise en scène, les décors, les vêtements... de façon à la fois rapide et précise.
Cette mise en place initiale est la première représentation de l'image mentale que le scénario écrit a inspiré au dessinateur. Bien souvent, les cases du futur album s'en inspireront fortement.
Le découpage des planches est tracé sur des feuilles blanches cartonnées de grand format, puis le dessinateur trace rapidement les grandes lignes de chaque case, en se basant sur son carnet de croquis. Le trait est simple et rapide, Rosinski ne multiplie plus les crayonnés lors de cette étape initiale, comme il le faisait pour les premiers albums de la série.
Ensuite, à la peinture et à l'encre, il esquisse les ambiances, personnages et arrières-plans. Le cadrage, les proportions et les postures sont cette fois quasi-définitifs.
La scène apparaît, imprécise mais déjà bien vivante.
Les planches sont peintes intégralement, les bulles viendront plus tard, même si un espace leur est déjà plus ou moins réservé dans les cases. Cette première étape de peinture permet de donner sa tonalité à la planche, de lier les cases entre elles à la fois par le dessin, la lumière, la couleur.
Lorsque l'atmosphère de la planche lui convient, le dessinateur la découpe en strips. Généralement trois, une norme dans la série.
Le découpage des cases se fera bien plus tard, lorsqu'elles seront terminées.
Installé sur un bureau, entouré d'une multitude de pinceaux, feutres, crayons... Rosinski commence à détailler les strips. Il passe d'un pinceau à l'autre, d'une couleur à l'autre, mais aussi d'une case à l'autre. Les couches de peinture se superposent, se mêlent, s'épousent.
Les cases de la planche sont faites simultanément, la peinture sèche sur l'une pendant que le dessinateur travaille sur l'autre. Concentré à l'extrême, Rosinski entre dans sa création en occultant le monde qui l'entoure.
La table du dessinateur est recouverte de matériel et de cases du futur album. Détail après détail, couleur après couleur, le dessin définitif apparaît. Il sera parfois réhaussé d'une ligne blanche ou noire, selon l'éclairage de la scène.
Depuis une dizaine d'albums, les bulles ne sont plus tracées et remplies par le dessinateur, mais préparées et ajoutées sur ordinateur. Plusieurs polices de caractères "Thorgal" ont été réalisées à partir de lettres tracées par Rosinski. D'un album à l'autre, ces polices ont parfois changé, avec des lettres plus petites, plus grandes, tracées différemment. Comparez !
Les cases terminées sont collées en bonne place sur de grandes planches. Les bulles sont imprimées par l'auteur. Légèrement autocollantes, elles sont mises en place provisoirement sur les planches pour servir de modèle avant la retouche informatique. Elles peuvent être retirées sans endommager la peinture.
Les planches terminées sont scannées, puis retouchées par Piotr Rosinski, fils de l'auteur, notamment pour former le contour des bulles, ajouter le texte, la pagination, les onomatopées. Les planches sont réduites au format de l'album. Les fichiers sont ensuite apportés à l'éditeur, qui réalisera également les couvertures des différentes éditions, dans toutes les langues prévues, à partir des maquettes préparées pour chaque pays.
Chez l'éditeur, on tire des épreuves couleurs pour vérifier la fidélité des futures impressions et effectuer quelques derniers réglages. Une fois les fichiers validés définitivement par l'auteur et l'équipe éditoriale, l'imprimeur va pouvoir se mettre au travail. Nous sommes ici chez l'imprimeur belge Proost qui réalise de nombreux albums de bande dessinée. Les presses rotatives travaillent à grande vitesse.
L'imprimeur réalise une impression "test" qui permet de vérifier la mise en page globale de l'album. Une fois la simulation validée par l'éditeur, les machines sont lancées ! L'impression en quadrichromie repose notamment sur l'utilisation de quatre encres, jaune, cyan, magenta et noir. Leur superposition permet de reproduire fidèlement la plupart des couleurs du dessin originel.
Les planches sont imprimées sur des feuilles de très grand format, on peut ainsi imprimer 16 planches sur une seule feuille, 32 en recto-verso. Deux feuilles suffisent pour un album complet, et même parfois une seule feuille avec les 48 planches !
Après séchage, les feuilles géantes seront confiées à une relieuse qui se chargera du découpage, du pliage et de la reliure.
La couverture est traitée à part. Recouverte d'un film plastique, elle est collée sur du carton avant de recevoir les cahiers préparés par la relieuse. Des pages de garde (avec le dessin d'un drakkar en mer près d'une côte rocheuse) relient couverture et cahiers.
200 à 300 000 albums sont ainsi fabriqués, et seront bientôt dans les mains des lecteurs.
Quant à Yves Sente et Grzegorz Rosinski, ils sont déjà tournés vers les prochaines aventures de Thorgal...