Grzegorz Rosinski est le dessinateur de Thorgal.
Il a réalisé tous les albums de la série ainsi que leurs couvertures, et leurs couleurs jusqu’au tome 18, puis à nouveau à partir du tome 29. Il peint aussi les couvertures de la plupart des albums des Mondes de Thorgal.
Rosinski a également dessiné les albums de Hans, La complainte des landes perdues, Le grand pouvoir du Chninkel, La vengeance du Comte Skarbek, et bien d’autres.
Né le 3 août 1941 à Stalowa Wola (sud-est de la Pologne, pas loin de Cracovie et de la frontière ukrainienne), naturalisé belge, il vit actuellement en Suisse dans le canton de Berne. Il a deux filles et un fils.
Travaux de jeunesse
Enfant, il découvre ses premières bandes dessinées dans le journal « Vaillant » (futur « Pif »), diffusé en Pologne par le parti communiste français.
Le virus de la bande dessinée le prend à cette époque. A 11 ans, il va habiter à Varsovie et, dès 15 ans, il commence à réaliser quelques planches.
(Cliquez pour voir la planche en entier)
De 1961 à 1967, il suit des cours d’arts graphiques à l’Académie des Beaux-Arts de Varsovie.
Il en sort diplômé et va contribuer au développement naissant de la BD en Pologne. Il dessine une vingtaine d’albums pour les éditions polonaises « Sport et Tourisme », essentiellement les enquêtes d’un détective et les aventures d’un pilote d’hélicoptère. Il réalise ensuite des légendes polonaises et des récits de science-fiction pour la revue « Relax » dont il prend la direction artistique.
(cliquez pour agrandir)
Cette revue de petit format — du type comics — s’arrête lorsque Rosinski la quitte en refusant de politiser ses histoires. Ces albums n’ont jamais paru en Europe de l’Ouest.
Parallèlement, il a une carrière d’illustrateur et graphiste (romans, livres sur la seconde guerre mondiale, pochettes de disques, cartes postales…). Il illustre de nombreux livres scolaires. Il fait de la peinture, notamment de l’art non-figuratif et de l’art conceptuel. En Pologne, il est un artiste reconnu.
(cliquez pour agrandir)
Regard vers l’ouest
Dans les années 70, Rosinski veut tenter sa chance en Belgique et en France. Il prend quelques contacts, et voyage à l’ouest, mais sans rien obtenir de vraiment concret.
Mais à 35 ans, en septembre 1976, il fait une double rencontre qui va décider de la suite de sa carrière : pendant un voyage à Bruxelles, il rencontre Jean Van Hamme et André-Paul Duchâteau (scénariste de Ric Hochet, Bruce J. Hawker…).
Van Hamme, pour tester ses talents, lui confie le scénario de deux planches de Michael Logan – série qu’il scénarise pour le dessinateur André Beautemps. Le résultat, réalisé en une seule nuit, suffit à le convaincre ! Avec lui, Rosinski va, dès l’année suivante, prépublier dans le magazine Tintin la première histoire de Thorgal, « La magicienne trahie ». Cette histoire de seulement 30 planches connaîtra une suite, « L’île des mers gelées », elle aussi publiée dans Tintin .
Vous pouvez lire l’histoire de la rencontre entre les deux auteurs en suivant ce lien.
Thorgal est un Viking aux origines mystérieuses, en conflit avec le peuple qui l’a vu grandir. Amoureux de la fille de son roi, il doit prouver sa valeur et conquérir sa liberté. Dès les premières planches, le jeune guerrier se retrouve au cœur d’intrigues entre puissants, dans un monde où la magie, les dieux et la brutalité des hommes sont omniprésents.
Désireux d’éviter tout problème au passage des frontières, Rosinski demande à Van Hamme de veiller à ce que l’histoire ne soit pas politisée. Les valeurs de Thorgal seront donc des valeurs universelles, celles d’un homme épris de liberté, luttant pour sa famille, à l’écart des puissants.
Parallèlement, Rosinski publie plusieurs récits courts comme « L’assassin » dans Tintin et « Le Titanic » dans Le Trombone Illustré. Dans la revue Spirou, il participe à la série « Histoires d’ailleurs » en 76 et 77 (« La trace » et « Le duel »), à « Absurding stories » et surtout La Croisière Fantastique sous le pseudonyme de Rosek, avec le scénariste Mythic (Rubine, Alpha, le Gowap…). Il y aura cinq récits : « Les déesses d’eau », « Noctambula », « Les habitants du labyrinthe », « Le temple aux figurines » et « Les oeufs de Gorga ».
Dans ces albums amusants, on suit le parcours d’un navire à l’équipage loufoque, embarqué dans des aventures mêlant magie, mystère et absurde.
Rosinski reçoit en 1979 le Prix Saint-Michel du meilleur dessin réaliste pour Thorgal. De nombreux autres prix suivront, tout au long de sa carrière.
Succès d’édition
En 1980, le succès de Thorgal en presse offre à ce personnage la consécration, la parution en album. Les deux premiers tomes sont publiés simultanément aux Éditions du Lombard, propriétaires du magazine Tintin. Les albums se suivront à un rythme régulier, un ou deux par an. Leur aspect évoluera très peu avec le temps, les albums s’appuyant notamment sur la qualité des couvertures peintes par Rosinski. Des toiles de grande beauté, composées à partir de plusieurs scènes pour ces deux premiers albums.
(cliquez pour agrandir)
Les premiers albums ne sont édités qu’à quelques milliers d’exemplaires, mais les parutions vont se poursuivre, annuelles ou bisannuelles, avec des ventes et un succès croissants.
A la même époque, Rosinski crée avec Duchâteau le personnage de Hans. Les planches sont prépubliées également dans Tintin, avec un premier épisode non publié en album à l’époque, « La tour du désespoir ». Un premier album paraît en 1983, il s’appelle « La dernière île », du nom de son premier chapitre.
Dans un monde futuriste déchiré par une guerre apocalyptique, Hans doit se battre pour sa liberté, défier les puissants, et croire en l’amour. Un personnage dont les valeurs et les combats ne sont pas si éloignés de ceux de Thorgal. L’histoire devait s’arrêter là, mais Hans est très bien accueilli par le public et quatre autres tomes dessinés par Rosinski vont paraître de 1984 à 1990. L’auteur dessinera Thorgal et Hans en alternance pendant les années 80, avec le même plaisir.
En 1982, Rosinski quitte la Pologne pour la Belgique, pendant l’état de guerre. Il ne pouvait même plus envoyer ses planches de Thorgal en Belgique. Il aura beaucoup de peine à faire venir sa famille, usant d’un stratagème : il est présenté aux autorités comme rédacteur en chef d’une revue occidentale nommée… Thorgal.
Le Chninkel
En 1986, le 10ème album de Thorgal est publié. C’est le début de la grande saga du « Pays Qâ ».
La même année, toujours avec Jean Van Hamme, Rosinski réalise Le grand pouvoir du Chninkel prépublié dans la revue (A suivre), spécialisée dans le roman dessiné. Cet album fera beaucoup parler de lui. Entièrement réalisée en noir et blanc, l’histoire revisite les mythes de l’humanité en mettant en lumière un anti-héros, dans un monde déchiré par la guerre et les luttes de pouvoir.
Dix chapitres, 134 planches et une histoire déconcertante… C’est un monument de la BD édité chez Casterman, qui existe maintenant en deux versions : l’originale en un seul volume noir et blanc, et la nouvelle mise en couleurs par Graza avec l’accord de Rosinski, en intégrale ou en trois volumes : « Le commandement », « Le choisi », « Le jugement ». Pour l’occasion, Rosinski a d’ailleurs peint quatre nouvelles couvertures.
(cliquez pour agrandir)
En 1987 et 1988, les histoires de La croisière fantastique sont réunies en deux albums « L’île des marées » et « Les déesses d’eau », aux éditions du Lombard. Elles sont complétées par un dernier récit, « La tour d’Ardinghelli ».
Dans les landes perdues
En 1989, le dessinateur s’installe en Suisse, dans le canton du Valais, d’abord à Valençon puis à Sierre. La région avait beaucoup plu à l’auteur et à sa famille, notamment lors du festival de BD local auquel Rosinski s’est rendu à plusieurs reprises. Il s’installera finalement à Mollens, village sur les hauteurs de Sierre.
Il abandonne en 1992 le dessin de Hans à son compatriote Kas, formé à Cracovie. La série garde toutes ses qualités grâce au talent de Kas, dont le style proche de Rosinski — selon la volonté de continuité commune aux deux hommes — devient peu à peu plus personnel. Avec son nouveau dessinateur, sept albums vont paraître de 1993 à 2000.
En 1993, Rosinski publie chez Dargaud La complainte des Landes Perdues. Le scénariste est Jean Dufaux (Jessica Blandy, Giacomo C, Dixie Road, Niklos Koda…). La mise en couleurs est de Graza — l’épouse de Kas, également devenue coloriste de Thorgal à la même époque, quand Rosinski cesse de mettre en couleurs ses albums. La « complainte » est une belle histoire d’amour et de mort en quatre volumes, dans un monde médiéval déchiré par les querelles et les luttes de pouvoir. Cette série, annoncée comme finie, sera relancée quelques années plus tard, avec Delaby puis Jérémy au dessin.
Entre 1993 et 1995, les 19 albums de Thorgal vont être réédités par Pegasus dans une collection magnifique. Chaque album, numéroté et signé par Rosinski, va être édité en 300 exemplaires seulement (et 25 hors commerce) en grand format noir et blanc, sous des couvertures superbes, avec des suppléments inédits. Le bonheur des collectionneurs ! Vous pouvez découvrir ces beaux albums en suivant ce lien.
Les ventes de Thorgal en font un best-seller, plus de 100 000 albums s’écoulant à l’année.
En janvier 95 paraît le 20ème album de la série, « La marque des Bannis ». Comme pour les précédents, Rosinski réalise le lettrage de cet album, et continuera à le faire jusqu’au 22ème tome. Un travail minutieux qui était pourtant particulièrement difficile pour les premiers albums, quand l’auteur ne maîtrisait pas le français et s’appliquait à recopier les lettres des dialogues de Van Hamme. Après le tome 22, paru en 1996, c’est l’informatique qui remplacera l’écriture manuscrite, facilitant l’adaptation en langues étrangères, mais faisant perdre à la série un peu d’âme…
Couleurs directes
Rosinski souhaite s’essayer à d’autres modèles picturaux. Mais, alors que les ventes des albums de Thorgal approchent désormais des 300 000 exemplaires à leur sortie, le dessinateur n’ose pas encore modifier radicalement le dessin qui a fait le succès de Thorgal ou du Chninkel. Il va néanmoins progressivement changer d’approche, notamment grâce à de nouveaux projets qui vont lui laisser toute liberté de créer.
Le premier pas vers la couleur directe a lieu en 2001, quand paraît un nouvel album ambitieux du duo Rosinski-Van Hamme, Western, dans la collection « Signé » du Lombard. Un album majeur des deux auteurs, pour l’histoire bien sûr, qui vous colle au papier tout au long de l’album, et puis pour l’extraordinaire travail d’un Rosinski peintre plus que jamais, illustrant à merveille cette histoire forte et nous gratifiant de doubles pages somptueuses, silencieuses, pour le plaisir des yeux.
Mis en couleur à même la feuille, le dessin se nourrit des différentes techniques employées par l’auteur.
Parallèlement, Rosinski s’expose un peu partout en Europe. De nombreuses œuvres de la collection personnelle de l’artiste sont réunies dans une exposition itinérante qui permet de découvrir les multiples facettes de son talent. On a pu la voir notamment pendant le festival d’Angoulême en 2003.
De plus en plus lassé par le rendu classique de Thorgal, Rosinski souhaite démontrer qu’il sait faire autre chose. Il s’associe avec Yves Sente — membre du comité directeur du Lombard, et scénariste des aventures de Blake et Mortimer — pour un nouveau projet : deux albums dont chaque vignette sera la reproduction d’un tableau peint en grand format. Le premier album de La vengeance du Comte Skarbek paraît en janvier 2004. Le résultat est déroutant, mais remarquable. Deux albums vont paraître, réunis en intégrale en 2008.
Thorgal revient en couleurs
Rosinski est un dessinateur qui fait évoluer son dessin au fil du temps. Il change de matériel, teste différentes techniques, change son approche. Le dessin de Thorgal est ainsi très différent tout au long de la série.
Ainsi, en 2006, après avoir hésité à continuer la série, l’auteur choisit de tenter le pari de la couleur directe pour le 29ème album, « Le sacrifice ». Et de confier à quelqu’un d’autre l’éventuelle suite des aventures du Comte Skarbek, qu’il envisageait de reprendre s’il avait abandonné Thorgal. Après avoir esquissé le dessin sur une feuille de grand format, l’auteur peint directement sur la feuille et fait ainsi apparaître peu à peu, couche après couche, la scène qu’il imagine. Le trait ne vient alors que rehausser le dessin.
Rosinski aime être surpris et dessiner des lieux variés, nouveaux. D’où l’intérêt de faire voyager Thorgal un peu partout. Il a une passion pour la peinture et prend beaucoup de plaisir à réaliser les couvertures de ses albums. Il aime travailler la nuit et se couche donc souvent très tard, car il peut peindre jusqu’au matin.
En 2007, à l’occasion du trentième anniversaire de Thorgal, une exposition à Saint-Malo retrace le parcours de l’auteur et de son personnage en présentant de nombreuses œuvres, couvertures, planches, croquis et dessins. Les œuvres de Grzegorz Rosinski sont également à l’honneur de nombreuses ventes aux enchères, où elles battent des records pour un auteur contemporain. Preuve, encore une fois, que la bande dessinée n’est vraiment plus un art mineur.
La même année, la série Thorgal est entièrement rééditée en nombre limité, dans une belle édition anniversaire à la couverture repensée (à voir en suivant ce lien).
Les Mondes de Thorgal
2007 est également l’année de parution du 30ème album de Thorgal, « Moi, Jolan ». Un nouveau tournant dans la série car le compère de toujours, Jean Van Hamme, a quitté son camarade, remplacé par Yves Sente au scénario. L’aventure se poursuit et se développe avec la création des Mondes de Thorgal, un projet soutenu par Rosinski. De nouveaux auteurs ouvrent de nouvelles pistes pour la série, au sein d’une collection dont Rosinski réalise la plupart des couvertures.
Trois séries sont lancées successivement, la première consacrée à Kriss de Valnor, personnage emblématique de la saga Thorgal, en 2010 (par Sente et Giulio de Vita). L’année suivante, les aventures de Louve et Aaricia permettent de suivre ces deux personnages pendant la longue absence de Thorgal (par Yann et Roman Surzhenko). En 2013, une série préquelle sur La jeunesse de Thorgal est ajoutée à la collection, avec les mêmes auteurs que Louve.
En 2010 et 2011, Rosinski peint les couvertures des deux tomes de La mémoire d’Abraham, adaptation en BD de l’œuvre de Marek Halter.
En 2012 et 2013, Thorgal est réédité — avec les Mondes de Thorgal — en grand format par Hachette, dans une belle collection disponible en presse.
En janvier 2013, le dessinateur est fait Officier des Arts et des Lettres à Versailles (ci-dessous, avec Yves Sente et Yann). On commence également à parler d’un musée Rosinski, qui pourrait voir le jour à Delémont, en Suisse, en étant accompagné d’un festival de BD annuel.
En décembre 2013, une monographie écrite par Patrick Gaumer retrace le parcours de l’auteur, de son enfance polonaise jusqu’à ses projets actuels. Des centaines de documents et de reproductions viennent compléter les propos de Rosinski. Un livre superbe, et passionnant pour les fans de l’auteur, à découvrir en suivant ce lien.
En 2014, une intégrale en trois volumes des aventures de Hans permet de redécouvrir les aventures de ce personnage qui a marqué la première partie de carrière de Rosinski dans la BD franco-belge. Les albums sont enrichis d’anecdotes et de documents.
Après une longue absence due à des problèmes de santé, le dessinateur revient en 2016 avec le 35ème album de Thorgal, « Le feu écarlate », sur un scénario d’un nouvel auteur, Xavier Dorison (Le troisième testament, Long John Silver, Asgard…). Il continue à rencontrer régulièrement ses lecteurs, dans divers festivals et manifestations, notamment en 2017 pour fêter les 40 ans de son personnage fétiche.
En 2018, Grzegorz publie le 36ème tome de Thorgal, avec un nouveau scénariste, Yann, déjà auteur de La jeunesse de Thorgal et de Louve. Il offre ainsi à son public un tout dernier album, avant de proposer au dessinateur Fred Vignaux et au coloriste Gaétan Georges de poursuivre la série. Mais il continue à suivre de près les héros de Thorgal, notamment en réalisant les couvertures des albums suivants, pour le plus grand plaisir des fans.
Et Thorgal poursuit sa route…
Dans l’atelier de Rosinski – Encrage et couleurs de Thorgal 2
Dans l’atelier de Rosinski – Graphisme, couvertures et ex-libris de Thorgal 5
Dans l’atelier de Rosinski – Tracé et couleurs de Thorgal 8
Dans l’atelier de Rosinski – Etude d’une case et utilisation des trames dans Thorgal 9
Dans l’atelier de Rosinski – Couverture, couleurs et navires volants dans Thorgal 10
Dans l’atelier de Rosinski – Construction des cases, encrage et couleurs dans Thorgal 11
Dans l’atelier de Rosinski – Lumière, pluie et couleurs dans Thorgal 16
Dans l’atelier de Rosinski – Découpage et complémentarité dans Thorgal 20
Dans l’atelier de Rosinski – Couleurs directes dans Thorgal 29
Dans l’atelier de Rosinski – Couleurs, couverture et scénario de Thorgal 33
Dans l’atelier de Rosinski – Case, planche et couverture de Thorgal 34
Dans l’atelier de Rosinski – Couverture de Kriss 2
Dans l’atelier de Rosinski – Couverture de Kriss 3
Dans l’atelier de Rosinski – Couverture de Kriss 5