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La manie des reprises BD

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La manie des reprises BD

Ce sujet a 3 réponses, 1 participant et a été mis à jour par Tjahzi tjahzi, il y a 5 ans.

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  • #202438 Répondre | Citer

    Excellent article de Romain Brethes dans Le Point.fr intitulé « Astérix, Corto Maltese, Spirou : la manie des reprises BD ». C’est à lire ICI.

    Les grands héros de la bande dessinée franco-belge connaissent désormais une nouvelle vie, à l’exception notable de Tintin. Enquête sur un phénomène aux visages multiples.

3 réponses de 1 à 3 (sur un total de 3)
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    La manie des reprises BD

    Si vous étiez lecteur de bande dessinée dans les années 1960-1970 et que vous décidez de fréquenter de nouveau les librairies aujourd’hui, la confusion temporelle peut vous guetter : le dernier Blake et Mortimer y côtoie la dernière aventure de Lucky Luke ou Alix. Boule et Bill voisine avec les Schtroumpfs, Spirou avec Corto Maltese, alors que le nouvel Astérix est présenté en grande pompe comme l’événement de l’automne. Non, vous n’avez pas été cryogénisé à votre insu sous Georges Pompidou, pas plus qu’E. P. Jacobs, Morris, Peyo, Franquin ou Hugo Pratt ne sont de fringants centenaires qui se consacreraient encore, en épigones de Manoel de Oliveira, à poursuivre la destinée de leur héros de papier. Tous ces immenses noms du neuvième art ne sont déjà plus de ce monde depuis un certain temps, mais leurs créations, comme figées dans un musée de cire, leur ont survécu dans les mains de continuateurs courageux ou inconscients – c’est selon. Les reprises sont devenues une réalité économique majeure de la bande dessinée contemporaine. Le tournant a eu lieu en 1996, date de la reprise de Blake et Mortimer par le scénariste star Jean Van Hamme (XIII, Thorgal, Largo Winch…) et le non moins talentueux Ted Benoit au dessin. L’Affaire Francis Blake, décalque plutôt réussi des 39 Marches d’Alfred Hitchcock, avait à l’époque soulevé de nombreuses objections : quelle est donc la nature de cet album ? Un pastiche ou une création originale ? Peut-on se réclamer des mânes d’un auteur qui ne s’était pas explicitement prononcé pour la continuation de son œuvre après sa mort ?

    Devant le succès rencontré, et presque jamais démenti depuis, les pudeurs originelles se sont vite évanouies, dessinateurs et scénaristes se succédant au chevet des deux gentlemen avec des tirages globalement pharaoniques (500 000 exemplaires) à l’échelle d’un marché du livre morose. Seul Tintin, à la différence d’Astérix, résiste encore et toujours à cette mécanique éditoriale infernale. Les vingt-quatre albums de la série forment un monolithe inébranlable et inaltérable, tout juste retouché ponctuellement, à l’image de la colorisation de Tintin chez les Soviets en 2017. « Mais il s’agit d’un contrat moral », précise Benoît Mouchart, directeur éditorial des éditions Casterman. « Rien n’empêche juridiquement qu’il existe un jour une suite à Tintin, si ce n’est le respect des volontés d’Hergé. D’un autre côté, je ne peux que constater le caractère une nouvelle fois remarquable de cette série et de ce personnage. Le principe des suites a souvent été acté en bande dessinée, car le fonds originel d’une série ne se vendait plus et il fallait aussi le relancer, ce qui n’est pas le cas de Tintin, dont les ventes se maintiennent à des niveaux encore très élevés. »

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    Le pastiche guette

    Benoît Mouchart, ancien directeur artistique du Festival d’Angoulême et réputé plutôt favorable à l’expression d’une création originale, a pourtant encouragé la reprise récente de Corto Maltese en 2015 par le dessinateur Ruben Pellejero et le scénariste Juan Diaz Canales. Un reniement ? Une contradiction ? Pas du tout se défend l’intéressé : « Même si mon goût ne se porte pas forcément sur les reprises, il est important pour Casterman d’avoir des best-sellers. Certes, nous avons Tardi et Bilal, mais Corto Maltese est un personnage iconique, plus encore à mon sens que Blake et Mortimer. Kong, la société qui gère les droits d’Hugo Pratt, réfléchissait depuis un certain temps à une reprise du personnage. Milo Manara (dessinateur italien auteur du Déclic et de L’Été indien), qui avait collaboré avec Pratt, avait été sollicité, mais il n’avait pas donné suite. Il existe des affinités entre Pellejero et le trait de Pratt, et les dialogues de Canales possèdent ce mélange de distance et d’humour caractéristique de l’écriture d’un Corto. » La reprise inaugurale de Canales et Pellejero (Sous le soleil de minuit, en attendant la sortie de Le Jour de Tarowean le 6 novembre prochain) n’a rien de honteux, et se présente comme un honnête album d’aventures. Mais si le nom de Corto n’ornait pas le frontispice de sa couverture, se distinguerait-il vraiment du tout-venant du genre ? Et quelle ambition anime donc les repreneurs au-delà d’un évident motif financier, rarement avouable dans le milieu de la bande dessinée ? Comment renoncer à un tempérament artistique parfois façonné depuis de nombreuses années, en se pliant à un cahier des charges souvent contraignant, voire asséchant, pour un dessinateur ? « Je ne vois pas les choses comme cela, du moins dans le cas de Corto » argumente Benoît Mouchart. « Oui, un tel exercice est sur le fil, le pastiche guette. Mais je ne pense pas que les auteurs s’effacent derrière le cahier des charges. Pellejero doit bien sûr dessiner un Corto reconnaissable, mais Pratt lui-même a fait varier graphiquement son Corto de La Ballade de la mer salée à Fable de Venise. Et les personnages féminins portent vraiment la patte de Pellejero. » Benoît Mouchart souligne également qu’il existe plusieurs chemins empruntables, moins évidents de prime abord, pour une reprise : « Jean-Marc Rochette a relancé Le Transperceneige quinze ans après le dernier volume paru. Il en a fait habilement une sorte de franchise, qui a bénéficié de l’effet du film de Bong Joo-ho, tout en reconfigurant entièrement la série avec un nouveau style graphique, un nouvel univers… C’est une sorte de renaissance littérale, initiée par son créateur même. »

    André Juillard, Grand Prix du Festival d’Angoulême en 1996 et plus de quarante ans de carrière derrière lui (Les Sept Vies de l’épervier, Le Cahier bleu…), est sans doute aujourd’hui l’auteur le plus fameux de ce cercle restreint de repreneurs que beaucoup de dessinateurs critiquent tout en aspirant secrètement à l’intégrer. En 2000, il prend le relais du duo Van Hamme-Benoît pour former avec Yves Sente, docteur ès reprises (il a également succédé à Jean Van Hamme sur les scénarios de XIII ou Thorgal, avec un bonheur inégal), le duo le plus prolifique du nouveau cycle de Blake et Mortimer : « J’ai grandi avec Le Journal Tintin et lorsque j’ai été contacté pour Blake et Mortimer, j’ai pris cela comme un défi à relever, et qui comportait un certain nombre de contraintes qui ne me dérangeaient pas. L’éditeur avait en effet décidé de replacer le cadre temporel de la série dans les années 1950, quand le dessin et le style Jacobs étaient à leur sommet avec La Marque jaune ou S.O.S. Météores, plutôt que privilégier le Jacobs primitif du Secret de l’Espadon, ou celui plus tardif des Trois Formules du professeur Sato. On m’avait d’ailleurs proposé de dessiner le deuxième volume de cet album, mais je n’avais pas été convaincu par le scénario qu’on m’avait présenté. » Juillard bénéficie également d’une certaine liberté pour mener ses projets personnels à bien, là où Ferri, le nouveau scénariste d’Astérix, avait dû mettre entre parenthèses ses propres séries (notamment le fabuleux De Gaulle à la plage), avant de réactiver il y a peu sa collaboration avec Larcenet sur la série Le Retour à la terre : « Je n’ai aucune pression de la part de l’éditeur, qui me laisse d’une certaine façon carte blanche pour la mise en scène de mes propres histoires », prend soin d’indiquer Juillard, tout en concédant : « Bon, je n’ai guère de latitude pour dessiner Blake, Mortimer ou Olrik, mais je pense que je me suis davantage approprié la série que les protagonistes, en donnant, par exemple, des rôles importants aux personnages féminins, ce qui n’était pas le cas de Jacobs. Et la série se confronte beaucoup plus à des enjeux contemporains, comme le racisme ou le post-colonialisme, sous l’impulsion d’Yves Sente. » En dépit du talent de ces nombreux repreneurs, le lecteur a toutefois le plus souvent la désagréable impression de se retrouver devant un produit où il s’agit de cocher les cases attendues pour le conforter dans des horizons de lecture qui remontent à ses souvenirs d’enfance (Olrik échappe invariablement à ses deux adversaires, Lucky Luke chante toujours sa rengaine en guise d’épilogue et le barde Assurancetourix est inévitablement bâillonné au moment du banquet final d’Astérix).

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    L'exception Bravo

    Le rapport à l’enfance, c’est ce qui a précisément poussé certains auteurs d’une nouvelle génération, et parmi les meilleurs, à se frotter à l’exercice de la reprise. Si Christophe Blain et Joann Sfar ont quelque peu essuyé les plâtres (Kong avait retoqué leur proposition, sans doute peu académique, de reprise de Corto Maltese, avant qu’ils n’obtiennent l’autorisation d’offrir leur propre vision de Blueberry, dans un album à paraître en novembre), Émile Bravo a révolutionné le genre avec sa reprise de Spirou et a ouvert la voie à des francs-tireurs trop heureux de bousculer ou de réinventer leurs idoles. Certaines tentatives d’appropriation du personnage, sans doute trop avant-gardistes pour l’époque, à l’image du somptueux Machine qui rêve de Tome et Janry paru en 1998, avaient été sanctionnées d’un terrible échec, les fans criant à la trahison et à l’hérésie. L’ombre de Franquin planait si fort sur la série qu’Émile Bravo, le dessinateur de la très belle série Les Épatantes Aventures de Jules, a fait le pari d’un contre-pied radical, qui a tout simplement débouché sur un chef-d’œuvre : « Dupuis est venu me chercher, car ils inauguraient une nouvelle collection dans les années 2000 intitulée “Spirou vu par…” Le personnage était en crise à l’époque, et je pense que l’idée de l’éditeur était de constituer un laboratoire sans trop savoir ce qui allait en ressortir. J’ai donc souhaité, en dessinant mon Spirou selon mes propres codes graphiques et narratifs, répondre aux questions que je me posais enfant : pourquoi était-il groom ? Comment était-il devenu un aventurier ? Cela me permettait de ne pas toucher à l’univers de Franquin. Le personnage a été créé en 1938, ce qui correspond à une époque troublée, et je me suis dit que j’allais traiter de l’éveil de Spirou au monde et à ses injustices. » Le Journal d’un ingénu, paru en 2008, est un génial roman d’apprentissage où sont convoqués les fantômes d’un Fabrice del Dongo (pour la confrontation à la guerre) ou d’un Frédéric Moreau (pour l’éducation sentimentale). Spirou fait face à la montée en puissance de l’antisémitisme et de l’intolérance dans le Bruxelles des années 1930, mais cette histoire n’avait pas vocation à connaître une suite. Dix ans après, Bravo a souhaité conclure ce cycle initiatique avec le monumental L’Espoir malgré tout (quatre volumes prévus). Spirou doit y surmonter sa peur et sa faim pour refuser l’ordre des choses désormais imposé par l’occupant, et sortir son complice Fantasio, qui collabore avec le journal Le Soir contrôlé par les nazis, de sa cécité éthique : « Mes personnages se construisent, et je leur donne une humanité, une consistance. Pour moi, Spirou ne peut pas tuer, il ne peut pas donc être un résistant traditionnel. Il lutte à sa manière. »

    Pour Blutch, Grand Prix d’Angoulême en 2009 et dont l’album Variations (Prix Wolinski-Le Point en 2017) était déjà une forme de reprise détournée (il reprenait certaines planches de ses albums préférés pour les réécrire, à la façon de variations de jazz), la démarche d’Émile Bravo est exemplaire et fondatrice : « Son œuvre possède une épaisseur littéraire inouïe. C’est lui qui nous a montré la voie. Et c’est cette voie qui m’inspire pour ma propre reprise de Tif et Tondu. » Annoncée et attendue depuis plusieurs années, cette reprise virait à l’arlésienne : « J’ai choisi ces personnages, car ce sont des figures vacantes, et cela fait vingt ans qu’il n’y avait pas eu d’albums de Tif et Tondu. Je serais très mal à l’aise avec l’œuvre viscérale d’un auteur, comme Corto Maltese ou Blake et Mortimer. Mais Tif et Tondu sont des personnages de licence, dont je peux prendre possession à ma guise. Je les lisais quand j’étais enfant, mais c’est un exercice d’une extrême difficulté. J’ai presque tenu à enfiler un costume qui n’était pas forcément taillé pour moi. Il s’agit pour ainsi dire de ma première bande dessinée, au sens le plus classique, académique du terme, avec un scénario (signé par le frère de Blutch), une aventure, une histoire. C’était quelque chose de nouveau par rapport à mon univers, et j’ai eu énormément de mal à mener à bien ce projet. Mais je tenais à l’achever, car c’est un travail où j’essaye de capter la pureté des grands pionniers, qui faisaient de la bande dessinée avant de se prendre pour des artistes. » Le Tif et Tondu de Blutch, qui paraîtra en janvier prochain et qui est actuellement prépublié dans le journal Spirou, est annoncé comme un événement qui devrait, avec le nouveau Spirou d’Émile Bravo et le Blueberry de Sfar et Blain, définitivement redessiner les contours de la reprise en bande dessinée.

    Seul bémol : si l’exercice semble enthousiasmer les dessinateurs de toutes les générations, et malgré le nombre toujours grandissant de reprises, on ne trouve aucune dessinatrice ou scénariste aux manettes de l’une d’entre elles. Une anomalie, à l’heure où le métier se féminise à grande vitesse. Catherine Meurisse, dont le trait à la fois élégant, délié et rond pourrait parfaitement s’adapter à une série de l’école de Marcinelle (celle des personnages des éditions Dupuis), n’y voit pour sa part aucun intérêt : « Cela reflète tout de même une approche assez nostalgique de la bande dessinée, à une époque où il s’agissait d’un monde presque exclusivement masculin », pointe l’auteure de La Légèreté (Prix Wolinski-Le Point en 2016). « Je n’explique pas autrement qu’il n’y ait pas davantage de dessinatrices intéressées, mais peut-être ne le leur a-t-on pas proposé non plus, en estimant que c’était justement une affaire de garçons ! » souligne avec une pointe de malice la dessinatrice. « Pour ma part, j’ai grandi avec Astérix, que j’adore, mais je n’aurais aucune envie, ni le talent, de me lancer dans les pas de Goscinny et Uderzo. » Avant de préciser : « Je lis avec plaisir le Spirou d’Émile Bravo, car il présente à mes yeux les deux qualités essentielles d’une bande dessinée : parler, d’une façon détournée, du monde d’aujourd’hui et refléter la personnalité et les aspirations profondes d’un artiste. Je ne suis pas sûr que la plupart des reprises répondent à ces deux critères. » « L’important », conclut Blutch, « est de ne pas se faire piéger par les reprises. C’est un monde trop confortable. » Un avertissement à méditer, aussi bien pour les auteurs que pour leurs éditeurs et leurs lecteurs. Après tout, les héros de bande dessinée ont aussi le droit de mourir de leur belle mort.

    Source : Le Point.fr

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