Thorgal – 26 – Le royaume sous le sable
Mots-clés : album, Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme, Le royaume sous le sable, Thorgal
Ce sujet a 22 réponses, 8 participants et a été mis à jour par inky, il y a 2 ans et 3 mois.
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L’album « Le royaume sous le sable » n’avait pas de sujet sur le forum. 18 ans après sa parution ! Voilà qui est réparé.
Je le dis d’emblée, je vous préviens, je n’hésiterai pas à dire tout le bien que je pense de cet album ! Ouaip.
Et on commence tout de suite avec un petit focus sur la couverture, ci-dessous, puisque « Le royaume sous le sable » est aujourd’hui l’invité d’honneur de l’Image du mois.
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AuteurRéponses
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thorgal-bdWebmestreL'image du mois
Quand ?
En novembre 2001.Qui ?
Scénario de Jean Van Hamme, dessins de Grzegorz Rosinski, couleurs de Graza.Où ?
« Le royaume sous le sable »Comment ?
Thorgal tente d’échapper aux hommes qui ont drogué sa famille. Il fuit sa cellule et débouche dans les ruines d’une immense cité millénaire, enfouie sous la terre.Pourquoi ?
D’abord pour des raisons personnelles. Au moment de la parution de l’album « Le royaume sous le sable », j’avais été assez déçu par la couverture au premier abord. Elle était très sombre, avec le titre Thorgal perdu dans le décor, surmonté d’une zone blanche. Avec une bonne lumière la couverture n’était pas désagréable, mais en magasin, avec les reflets qui se déposaient sur la surface glacée, on ne voyait plus rien, à part un p’tit Thorgal tout en bas.
En fait, je l’ai largement zappée, cette image, alors qu’habituellement je passe du temps sur les couvertures de Rosinski.Deuxième raison, cet album est souvent cité négativement, par d’assez nombreux lecteurs. Alors que pour ma part, je l’apprécie bien. Je milite d’ailleurs souvent pour une relecture apaisée de cette aventure atlante. Ce n’est certainement pas le meilleur album de Thorgal, mais il est quand même plutôt sympa.
Troisième raison, pour les rééditions de l’album, la lumière et les couleurs ont été largement améliorés. La scène est plus lisible et livre mieux ses secrets, ses contrastes et son projet.
Enfin, la révélation. Quand on retire les titres et logos, quand la toile de Rosinski se libère des contraintes de la publication, elle retrouve tout son sens. Elle peut enfin être lue en entier. Et là, c’est du lourd. Remontez un instant le fil de cet article pour prendre le temps d’observer l’œuvre.
En fait, je regrette mon jugement de l’époque. Parce que c’est une toile qui, pour moi, est encore une fois particulièrement réussie. La trouée dans le plafond, qui enveloppe Thorgal de lumière et le place sous le projecteur, diffuse sa lueur sur l’ensemble de la scène. Avec comme toujours cette sidérante maîtrise qui permet à l’auteur de savoir où placer chaque couleur, chaque touche du pinceau, pour donner vie et réalisme à une scène imaginaire.
Ce qui fait également de cette scène une belle réussite, c’est aussi qu’elle nous raconte une histoire. L’histoire d’un homme qui fuit d’autres hommes, en un lieu monumental, écrasant, dans lequel il semble plus en danger que jamais.Il n’y aura pas de bonus à chaque Image du mois, mais celle-ci y a droit. Voici tout d’abord deux couvertures de l’édition française de l’album. L’édition originale, et la toute dernière version, plus lumineuse, plus lisible.
Voici également, juste pour le plaisir et pour faire ça plutôt que d’aller bosser, les couvertures des versions espagnole, anglo-saxonne, polonaise et allemande. Vous verrez que le cadrage varie un peu, mais que ce sont surtout les couleurs et le contraste qui donnent à ces couvertures des ambiances légèrement différentes. La version allemande n’hésite pas à tartiner le plafond de lumière !
Thorgal-BD a écrit . La version allemande n’hésite pas à tartiner le plafond de lumière !
Et elle est la seule à traduire « le royaume sous le désert », marrant ça… Wüste plutôt que Sand…
6 couvertures différentes de l’album ? Qu’est-ce que tu ne ferais pas pour ne pas aller bosser !
Sur ces couvertures, le puits de lumière raboté au montage gâche le travail de Rosinski. C’est pourtant de là que part tout l’éclairage de la scène où apparait Thorgal. Rosinski réussit particulièrement bien ces jeux clairs-obscurs. Je trouve juste que Thorgal aurait pu être un peu plus près de nous sur cette scène. Il fait minuscule sur la couverture, ça donne l’impression qu’il est vraiment peu de choses face au passé grandiose de cette civilisation atlante.
Chronique sur Sens CritiqueThorgal-bd a écrit
Je le dis d’emblée, je vous préviens, je n’hésiterai pas à dire tout le bien que je pense de cet album ! Ouaip.Hé, hé, j’ai trouvé de quoi titiller ta vision positive de l’album !
Sur Sens Critique, le chroniqueur « L’homme grenouille » enchaîne la lecture et l’analyse des albums de Thorgal. Le voilà arrivé au tome 26, et il y trouve pas mal de choses à redire. Partagez-vous son avis ?
Non… Définitivement non. Depuis le Tome 18, il y a quelque chose qui, me concernant, s’est cassé dans cette saga « Thorgal ». Ça ne marche pas.
Ou plutôt ça ne marche plus… Je me suis demandé un moment si le problème venait du fait que je lisais ces albums de manière trop rapprochée. J’ai donc laissé un peu le temps couler entre ma lecture du tome précédent (« Le mal bleu ») et celui-ci, histoire de voir si, avec davantage de fraîcheur, la sensation d’usure se dissipait. Eh bien pas du tout… Non, pour moi le problème est clairement inhérent à la manière dont sont pensés ces derniers albums et, en cela, je pense que ce « Royaume sous le sable » en est un très bon exemple.
Parce que oui, là pour le coup, on n’a pas affaire à une histoire autonome déconnectée du grand fil conducteur de la saga comme ce fut le cas avec les albums précédents. Là, avec ce « Royaume sous le sable » on est en plein dans l’intrigue de « Thorgal enfant des étoiles. » Et pourtant je vous l’avoue, j’ai traversé cet album sans le moindre sursaut d’émotion. Alors certes, ça reste visuellement très respectable. Certes il y a toujours ce petit savoir-faire narratif qui permet à l’album de tenir sur lui-même, avec ses habituelles petites astuces pour donner un peu d’épaisseur à des situations ou des personnages qui ne sont là que le temps d’une quarantaine de pages.
Seulement voilà, il manque clairement à cet épisode ce qui fait la sève d’un bon « Thorgal ». Pire, au-delà de ce qui manque, il y a tout un ensemble de problèmes qui viennent polluer cet album. Premier de ces problèmes : celui lié à la découverte des lieux et de l’intrigue. Pourquoi quand on me montre – excusez du peu –…une vieille cité de l’Atlantide… pourquoi ça ne me fait ni chaud ni froid ? Pourtant, dans les albums précédents, l’île des mers gelées, la cité de Brek Zarith, la cité d’Ogotaï, c’étaient des lieux qui savaient imprégner leur atmosphère dans mon esprit. Pourquoi cette nouvelle découverte ne me fait rien ? Eh bien pour moi ça me parait évident. La découverte d’un lieu, ça ne se fait pas n’importe comment. La découverte d’un lieu, ça se raconte. Ça s’annonce. Ça se construit… Or, ce boulot-là, dans ce « Royaume sous le sable », il n’est clairement pas fait.
On nous fait débouler Thorgal et sa famille là, en mode random, et puis – ah bah tiens ! – il y a des gens qui – comme par hasard ! – sont liés au destin de Thorgal et qui vont s’en prendre à notre Viking adoré ! Ni-une-ni-deux on se retrouve déjà sous terre sans préambule aucun. « Voilà. Tu voulais de l’Atlantide, eh bah la voilà… Mange. » Et à ce moment là on se retrouve avec une ribambelle d’explications. Pas le temps de cheminer ou de questionner. Il faut aller vite. On n’a qu’une quarantaine de pages donc il faut boucler rapidement.
Il semble loin le temps où – comme pour le Pays Qâ – on te passait quatre à cinq tomes pour t’exposer et te faire explorer un univers ! Parce que là, avec ce « Royaume sous le sable », on sent clairement qu’on veut faire ça vite et mal. Alors on pose les personnages vite fait. On leur fait accomplir un arc narratif rapide histoire que ça ne fasse pas trop cheap. Et puis une fois ce minimum syndical fait, on se retrouve déjà en mode « emballé c’est pesé… »
Alors certes, comme je le disais en début de critique, ces petits arcs sont quand même maîtrisés et heureusement qu’ils le sont pour éviter l’hécatombe. Mais cette recette est tellement usuelle dans cette saga que ça en devient usant. C’est bête, mais je ne ressens aucune force de conviction de la part de Van Hamme dans la manière de ficeler son intrigue et son univers. Moi, quand je lis cet album, je vois vraiment un côté « de toute façon on marche en terrain conquis donc donnons sa came au lecteur et tout le monde sera content. »
Et pour le coup ça se ressent tout particulièrement dans certains détails de l’intrigue qui, à mon sens, sont totalement traités par-dessus la jambe. L’arrivée mystère de Thorgal dans ce coin paumé du monde par exemple. On ose quand même nous dire « A croire que c’est le destin qui nous l’amène ici. » Bah oui quoi… Le bon vieux « Ta gueule, c’est magique. » Pourquoi s’en priver ?… Même chose quand Thorgal décide finalement de rentrer à la maison. Là encore, ça le prend comme ça comme une envie de pisser. Comme la fois où il décide d’abandonner sa famille pendant plusieurs albums parce que ça arrangeait l’intrigue ! En gros, là aussi, c’est un peu « Ta gueule, c’est Thorgal. » Et quand l’intrigue est enfin lancée, on sent qu’il ne faut surtout pas qu’un élément de scénario ne puisse être utilisé autrement que comme voulu par l’auteur !
Ainsi on rappelle que Jolan a des pouvoirs, mais on se garde bien de faire en sorte qu’il les utilise aux moments où ça pourrait être utile. Et que des dires des Atlantes ? V’là t’y pas qu’on nous dit qu’ils disposent de machines qui lisent les souvenirs de chacun… OK, c’est bien arrangeant pour l’intrigue. Mais bon, elles sont quand même sacrément balèzes leurs machines parce qu’elles arrivent même à voir ce dont personne ne peut se souvenir ! Comme cette scène où on revoit d’un point de vue extérieur Thorgal qui est redécouvert par son père adoptif Leif Haraldson ! Pour le coup : chapeau ! Thorgal était bébé au moment des faits, mais il a encore le souvenir d’avoir vu cette scène à vingt mètres de lui-même et le tout en légère contre-plongée ! Il a même les souvenirs du vaisseau de ses parents ! Celui dans lequel il n’a jamais foutu les pieds de sa vie ! (…du moins quand celui-ci était encore en état de voler.) Ralalah ! C’est comme si j’entendais le « Ta gueule, c’est Atlante ! » pensé très fort par Van Hamme quand il a écrit ce passage…
Alors OK, ce sont des détails. Mais pour moi c’est le genre de détails qui disent tout. C’est le genre de détails qui nous montrent que l’auteur de ce tome préfère la facilité au respect de sa propre diégèse. Et au final, toute cette histoire est bouclée en un épisode alors qu’il y avait clairement moyen de développer tout un cycle de plusieurs tomes à partir de cette intrigue-là. Ainsi on aurait pu prendre le temps de faire monter la sauce ; de susciter le mystère sur ce fameux royaume sous le sable…
Et puis – merde ! – on aurait aussi pu explorer plus à fond cette piste lancée d’Atlantes qui se décident à exploiter les Vikings pour reconquérir le monde ! Bah oui ! Je ne sais pas vous mais je trouvais ça vachement intéressant comme piste ! Pourquoi y couper court comme ça à la toute fin ? Si le but de Van Hamme c’est de faire durer sa saga le plus longtemps possible pour l’exploiter au maximum, alors il pourrait au moins pu essayer d’être fidèle à l’esprit de sa propre saga ! Faire un cycle « Les Atlantes essayent de refaire le coup d’Ogotaï mais avec les Vikings » ça aurait pu être vachement chouette ! Non seulement ça aurait pu développer ce qui a été posé lors du cycle de l’île des mer gelées, mais cela aurait pu aussi le connecter au cycle du Pays Qâ, tout ça pour faire une espèce de grosse synthèse finale par laquelle la saga aurait d’ailleurs pu se conclure… Eh bah au final, même pas ! Au lieu de ça on va se taper encore une plâtrée d’aventures basiques, resucées des précédentes, jusqu’à ce que Papy Van Hamme fasse pareil que pour « XIII » : c’est-à-dire qu’une fois qu’il se sera rendu compte qu’il n’a plus d’idées et qu’il a totalement rincé sa saga au point de la rendre imbuvable, il va la conclure par un petit épisode moisi sans saveur aucune. Ah mais que c’est triste cet état d’esprit !
Voilà bien ce qui me fait aimer et détester Van Hamme en même temps. Ce gars est à la fois l’auteur des sagas de bandes dessinées que je préfère tout en étant celui qui est responsable de leur total dévoiement. Eh bah pour le coup ce « Royaume sous le sable » est une parfaite illustration de ce sentiment que j’ai là. Il reprend tout ce que j’aime pour en faire tout ce que je déteste. Autant dire qu’après tout ça, je vais m’avancer vers les derniers albums de « Thorgal » la peur au ventre…
Ah là, je vous avais prévenus, il avait des choses à redire sur l’album, ce chroniqueur !
thorgal-bdWebmestreAh ouais, c’est raide. Mais c’est un avis respectable, puisqu’argumenté et passionné.
Il met le doigt sur un point qui est souvent cité quand on évoque l’album. La fin, sèche, qui vient couper un cliffhanger qui s’annonçait intéressant (et augurait un retour à la maison, qui n’aura finalement lieu que dans « Le sacrifice »). Et puis ce sentiment diffus, après la lecture, que tout ça est allé bien trop vite, qu’on aurait pu avoir plus.
Il y a aussi la scène de lecture mémorielle, qui me semble être là essentiellement pour offrir à Rosinski l’opportunité de dessiner une fresque impressionnante. Je ne sais pas si c’est crédible ou pas… On peut imaginer une technologie qui interprète et transcrit les pensées, en proposant aux spectateurs une reproduction imparfaite mais crédible de la mémoire. Par exemple, la machine peut sans problème proposer une image du vaisseau, puisqu’elle connaît son véritable aspect. La scène de la découverte du bébé, on l’a sûrement racontée encore et encore à Thorgal quand il était enfant, avec tous les détails, il ne reste plus à la machine qu’à la mettre en scène.
Je viens de relire l’album, tiens, du coup. Franchement… N’étant pas toujours très en phase avec les albums les plus récents, je peux dire que me replonger dans ce royaume sous le sable, c’est un vrai plaisir ! Thorgal est énorme dans cette aventure, et vraiment tel que je l’aime. Chacun de ses mots et de ses actes est conforme à mes attentes, parfaitement placé.
J’aime, par exemple, la façon dont il gère la petite crise de couple du début de l’album. Pas de bavardage, quelques questions placées, et pourtant ça turbine dans sa tête. Il va chasser, il ausculte ses proches et pèse les données, puis il revient avec la solution.
Même chose, quand il écoute avec attention les délires de Sargon, et qu’il le sèche en deux phrases quand celui-ci en vient à sa conclusion.
Un autre petit moment fort et bon ? Dans le labyrinthe, quand Louve a peur et s’accroche à son cou, et qu’il la rassure en quelques mots parfaits. Ou quand il parvient à convaincre tout un groupe de braver la mort, simplement en suivant son instinct. On l’écoute, on le suit, on discute à peine.Ce que je n’aime pas dans cet album ? Les trois dernières pages. Exactement comme dans le tome précédent, « Le mal bleu ». Le sacrifice de Chrysios ne me touche pas suffisamment, la fin des Atlantes ne m’a pas paru être l’idéal pour clore cette histoire.
Je regrette aussi que Van Hamme n’ait pas profité du retour des Atlantes pour parler de leurs pouvoirs mentaux. Tous ceux qu’on rencontre ici ont l’air de ne pas en avoir. Du coup, Yves Sente s’est lancé dans quelque chose d’autre, dans « Moi, Jolan », en présentant l’idée qu’une partie de la population terrienne a des pouvoirs. Ce n’est pas vraiment ce que j’attendais, non plus.
Mon bilan perso, c’est qu’en première lecture « Le royaume sous le sable » n’est pas du tout le meilleur des meilleurs, mais qu’il est pour ma part parfaitement installé dans mon imaginaire thorgalien, qu’il donne à Thorgal un rôle conforme et plaisant, et qu’il se relit avec grand plaisir. Merci donc Tjahzi et à l’homme grenouille de m’avoir incité à le relire à l’instant.
Dans ce Royaume sous le sable, j’ai aimé l’attitude de Thorgal, c’est bien lui avec ses qualités de héros qu’on ne trouvait plus dans les derniers tomes écrits par Sente. Donc oui, il y a du bon dans cet album, même si le scénario de Van Hamme est trop vite expédié. L’univers et les personnages secondaires auraient pu être mieux développés, par exemple en étalant l’histoire sur deux tomes.
thorgal-bdWebmestreOui, il y avait eu un choix éditorial fort à l’époque, suite au très long cycle de Shaïgan-sans-merci. L’idée était que chaque album devait développer une histoire indépendante, tout en conservant une certaine progression dans la trame générale.
Ici, quelques atlantes sont conservés pour la suite, mais ils sont « mis de côté » dès le tome suivant. De la même façon, l’histoire de « Le barbare » se poursuit jusqu’à « Le sacrifice », tout en laissant ces albums développer leur propre intrigue.
Si Sargon avait fui, « Le barbare » et « Kriss de Valnor » auraient pu être sensiblement identiques à ceux qu’on connaît, mais la suite aurait été bien différente !
Thorgal-BD a écrit
Ce que je n’aime pas dans cet album ? Les trois dernières pages. Exactement comme dans le tome précédent, « Le mal bleu ». Le sacrifice de Chrysios ne me touche pas suffisamment, la fin des Atlantes ne m’a pas paru être l’idéal pour clore cette histoire.
J’ai relu le passage en question. Pour que le sacrifice de Chrysios touche le lecteur, il aurait fallu un gros plan (éventuellement croisé) sur Chrysios et Thorgal avant et surtout après la déclaration de Thorgal « Je t’avais déjà pardonné, Chrysios. Que les dieux t’accueillent comme tu le mérites » où Thorgal est de 3/4 dos en plan lointain, ce qui donne à cette phrase et cette poignée de main (où les 2 hommes sont d’ailleurs étrangement éloignés l’un de l’autre pour une poignée de main d’adieu!), un aspect froid et détaché, sans émotion profonde, en tout cas pour Thorgal qui éprouve apparemment peu de compassion pour lui et semble déjà passé à son voyage de retour en mer grise comme prévu au début de l’album…
thorgal-bdWebmestreIl est vrai que les dessins sont essentiels, et Thorgal a le plus souvent bien profité de la maîtrise (assez innée, à mon avis) qu’a Rosinski, dans la construction des scènes.
J’ai le sentiment que les personnages ont manqué de temps, d’intimité. D’ailleurs, Ileniya et Tiago continuent leur route dans l’album suivant, mais ils y sont finalement peu présents aussi.
Peut-être que l’aventure a primé sur l’humain, dans cet album.
Dans les deux précédents « one-shots », « Arachnéa » et « Le mal bleu », les rapports humains me semblent avoir été mieux installés.Les aventures de Thorgal sont vraiment basées sur les rapports humains, c’est dommage de ne pas avoir laissé l’occasion à ceux-ci de s’installer. J’ai pourtant apprécié Le royaume sous le sable, peut-être parce qu’il revenait sur les origines de Thorgal. Mais c’était assez maladroit ou trop caricatural.
J »applaudis des deux mains la critique de l’homme grenouille qui exprime parfaitement mon point de vue.
Je ne conteste pas les points positifs cités ci-dessus, tout n’est pas à jeter, mais clairement VH continue de traire la vache à lait avec cet album. L’un des points qui me consternent particulièrement ce sont ces Atlantes à deux balles (soit dit en passant je trouvais beaucoup plus puissante l’évocation d’un « peuple des étoiles » nimbé de mystère… Ce lien tout moisi avec l’Atlantide est parachuté comme un cheveu sur la soupe et rabaisse une idée originale réussie en la faisant rentrer au forceps dans un poncif usé depuis la nuit des temps).
Bref, jusqu’alors le peuple des étoiles avait un ADN quasiment miraculeux qui était tellement puissant que même après que Xargos en a inhibé les effets chez Thorgal et malgré sa dilution dans l’ADN humain « normal » d’Aaricia, la génération suivante continuait à avoir des pouvoirs de ouf.
Or ces Atlantes de pure souche ne semblent avoir aucun autre super pouvoir que leur arrogance. Pareil pour Slive à l’époque, d’ailleurs. C’est juste des super gros cons qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter et qui foirent toujours tout de A à Z.
Décidément dans « Thorgal » les super pouvoirs semblent bien sélectifs et distribués en fonction des impératifs des scénarios. C’est pas ce que j’appellerais du boulot de scénariste exemplaire…
En outre, même graphiquement les deux gros méchants de service sont des bouffons. Sargon est le sosie de Louis de Funès avec un pif énorme et Orchias celui du capitaine Gaspard dans Les Mystérieuses Cités d’Or, tout deux célèbres pour incarner une figure de méchant colérique et ridicule.
Un peu comme si JVH avait soufflé à son vieux complice GR : « T’inquiète Grégré, c’est pour de rire de toute façon, tu peux leur donner des tronches de cake on s’en fout, c’est juste un album alimentaire de plus, te casse pas trop ! »
Clairement l’album le plus faible scénarisé par Van Hamme. Cet album 26 est l’une des raisons pour privilégier le 25 comme le bon moment pour le reboot, cela sonne moins comme un acharnement contre ses successeurs
thorgal-bdWebmestrePour votre peine, je m’auto-cite, juste pour mon plaisir.
Thorgal-BD a écrit
Thorgal est énorme dans cette aventure, et vraiment tel que je l’aime. Chacun de ses mots et de ses actes est conforme à mes attentes, parfaitement placé.Thorgal est énorme mais il est dans le désert : le reste laisse à désirer.
Je sors de ma relecture et comme a chaque fois il y a un truc que je ne saisis pas:
Comment se fait-il que la cité atlante d’où ils ont décollé ait ce style antique? Je ne sais pas moi… ça ne colle pas. Des maisons en pierre avec un pas de tir juste à côté ? Pourquoi n’avait-on aucun bâtiment futuriste? Ça me sort de l’histoire…
thorgal-bdWebmestreLe style rétro-SF est pourtant un classique à la fois dans la série et dans pas mal d’œuvres.
C’est une image assez habituelle quand on évoque l’Atlantide ou l’empire de Mu, des civilisations antiques que les écrits SF ont parfois dotées de grandes avancées technologiques, à l’image de ce qui est proposé dans les mystérieuses cités d’or.
Et justement, comme je pense qu’une grande partie d’entre nous connaît très bien l’histoire d’Esteban, Tao et Zia, j’ai cette impression (peut-être fausse ?) qu’on peut assez facilement se glisser dans ce moule.Il y a plein d’autres références, mais je pense aussi à l’empire de Trigan, une série BD anglaise (si si, ça existe !) que j’adorais quand j’étais petit. C’était superbement kitsch.
Par certains côtés, l’autre série SF de Rosinski, Hans, a aussi cette approche mêlant les genres et les époques.
On pourrait multiplier les exemples, mais pour rester encore dans la BD, je pense à une de mes séries préférées venant d’un de mes auteurs préférés, Jeremiah de Hermann, qui joue sur le thème mais avec une approche différente : ce n’est pas de l’ancien temps dans lequel on aurait greffé du moderne, mais du moderne qui régresse vers l’ancien temps (du post-apocalyptique, donc). Du Ken le survivant, sans les efforts de coiffure.
Tous ces mélanges-là sont bien ancrés dans mon parcours de lecteur.
En relisant l’Enigme de l’Atlantide de Blake et Mortimer, j’ai été surpris des nombreuses idées (plagiat?) qui sont communes avec le Royaume sous le Sable.
– Le logo en trident des Atlantes dans le Royaume sous la Sable
Déjà en 1957, Jacobs avait utilisé ce logo en trident pour les Atlantes qui ont recueilli Blake et Mortimer.
– Le moyen de locomotion par les airs identique
(Ceinture et Planos)
– Le nom du chef très ressemblant (Sargon et Magon)
– La fin et les dernières planches avec une similitude avec le vaisseau qui décolle d’un cratère (l’un s’écrase, l’autre qui décolle et est suivi par les autres)
Je n’avais fait attention avant et cette fois, ça m’a frappé.
Selon vous, coïncidences, inspiration, hommage?
Je rejoins les réticences énumérées plus haut (avec brio, bravo) même si je n’avais pas vraiment d’attente pour cet album – pour moi le point de rupture remonte au tome 18 et tout ce qui a suivi m’a déçu. Le 17 qui dépeint un Thorgal égrillard, avide de pouvoir et ivrogne c’est un peu les Bijoux de la Castafiore de la série, un album où les auteurs cassent leurs jouets en explorant les limites de la série, flirtant avec l’auto-parodie des fondamentaux – en l’occurrence un Thorgal systématiquement vertueux. L’album est fun mais que voulez-vous raconter après ça ? Le cycle de Shaïgan relève un peu le niveau mais c’est pas dingue. Même le dessin de Rosinski semble accompagner cette déchéance et se dégrade au fur et à mesure, comme s’il se rendait compte que les scénars qu’on lui fournit sont moins enthousiasmants. On tente d’abord un Thorgal divorcé de sa famille pour retrouver l’aventure sans contrainte mais ça marche pas – puis on essaie l’aventure AVEC la famille mais c’est guère mieux, on tourne en rond dans plusieurs tomes. Et la passation de pouvoir avortée avec Jolan c’est une occasion manquée et c’est dommage. J’ai zappé la période Sente et tenté de rempiler avec Yann mais pas moyen – ses dialogues sont d’une lourdeur terrible, comme un inventaire des différents dieux nordiques systématiquement accompagné de notes en bas de page qui bousillent le rythme. Et ça me déçoit d’autant plus que j’ai autrefois adulé Yann, période Aventure en Jaune et Libellules.
Bon au final nous voilà assez loin du Royaume Sous le Sable, mea culpa… Qu’est-ce que je peux dire de positif sur cet album ? Il est meilleur que les deux suivants chez les romains. Moi aussi j’ai pensé à De Funès en matant la tronche du principal méchant et ça condamne toute menace potentielle qu’il pourrait représenter. Oui, mon avis est vache – mais c’est précisément parce que je considère les 17 premiers albums comme un parcours sans faute. Et j’essaie de ne pas me complaire dans la nostalgie en conservant l’espoir que la série se relève – en permettant à Thorgal de vieillir par exemple. Il avait commencé, Rosinski lui avait collé quelques cheveux gris (commentés par les personnages d’ailleurs) mais il semblerait que cette évolution ait totalement été oblitérée. J’ai 42 piges, je m’aperçois bien que mon corps ne me permet plus de faire autant d’efforts – peut-être serait-il temps que Thorgal s’en rende compte ? Et ses auteurs avec…
- Ce sujet a été modifié le il y a 2 ans et 4 mois par Arnaldur.
thorgal-bdWebmestreArnaldur a écrit
pour moi le point de rupture remonte au tome 18 et tout ce qui a suivi m’a déçu.Ce qui me convient vraiment bien dans cet album, c’est que je le relis encore aujourd’hui sans déplaisir, près de 25 ans après. Le dessin est un peu moins enthousiasmant qu’auparavant, c’est vrai, l’histoire n’atteint pas les mêmes sommets, mais j’aime cet album, tout comme les précédents et le suivant.
Mon point de rupture se situe plutôt au tome 28 « Kriss de Valnor », à cause du décalage visuel du dessin et peut-être aussi à cause de la place de Thorgal dans l’histoire, homme brisé entouré par deux femmes et plein d’enfants. Le tome 29, « Le sacrifice », avait renforcé ces deux états.
J’étais très enthousiaste au moment de l’arrivée d’Yves Sente, je pensais qu’il apporterait fraîcheur et envie à la série. Mais finalement, ce sont plutôt les magnifiques images de Rosinski que je retiens de cette période de la série. Quant à la reprise de Yann et Fred Vignaux, je ne la compare pas, pour moi c’est autre chose.Donc au final je reviens encore et toujours crier ma passion thorgalienne, y compris pour « Le royaume sous le sable » que j’aime toujours autant lire et redécouvrir !
Pennybridge a écrit
En relisant l’Enigme de l’Atlantide de Blake et Mortimer, j’ai été surpris des nombreuses idées (plagiat?) qui sont communes avec le Royaume sous le Sable. – Le logo en trident des Atlantes dans le Royaume sous la SableAmusante recherche !
Le trident, c’est surtout Poséidon, dieu des océans, et à travers lui son fils Atlas qui a donné son nom à l’île, au royaume et à l’océan Atlantique. Ce sont des références ancrées dans la culture populaire, Aquaman, tout ça.Pennybridge a écrit
– Le moyen de locomotion par les airs identique (Ceinture et Planos)A l’époque j’avais plutôt comme référence Ulysse 31, sa ceinture volante et son épée/pisto laser. J’avais le costume à la maison mais ma sœur m’a pété l’épée en deux. Dégoûté. Et la ceinture ne volait pas du tout. L’arnaque.
Pennybridge a écrit
Je n’avais fait attention avant et cette fois, ça m’a frappé. Selon vous, coïncidences, inspiration, hommage?C’est possible, Van Hamme est un grand fan de Blake & Mortimer ! Dans ce qu’on écrit, on est toujours influencé par ce qu’on a lu. Ça peut être un hommage direct, ou une histoire qu’il avait en lui depuis longtemps sans qu’il la relie consciemment à d’anciennes lectures.
Je ne suis pas convaincu par les similitudes avec B&M, elles me paraissent forcées.
Le trident est apparu très tôt dans les albums de Thorgal. C’est un emblème abondamment présent dans notre culture occidentale. Il n’est pas rattaché spécifiquement à B&M. Son aspect pointu et guerrier correspond visuellement très bien à sa mise en scène initiale comme arme lors du duel spatial avec Xargos et surtout aux projets de Varth de conquérir la Terre et (grâce à sa réminiscence de l’attribut de Poséidon) d’apparaître comme un dieu vivant aux humains.
Pour ce qui est du nom du méchant, c’est un peu comme le trident : selon moi JVH a simplement puisé dans un archétype du fonds culturel dans lequel nous baignons, et où les méchants ont toujours plus ou moins le même style de nom à la con : Sargon, Magon, Dagon, Sauron, Xenon…
Voler ou projeter un rayon destructeur par les yeux ou une sorte de pistolet est sans doute le gimmick le plus éculé dans les histoires de science-fiction où l’on veut présenter un personnage comme technologiquement (ou magiquement) plus avancé que le commun des mortels qui l’entoure. L’album L’Épée-Soleil reposait entièrement là-dessus.
Enfin le décollage d’un vaisseau depuis un cratère… ben pareil… Tintin l’a fait. Jacques Martin l’a fait. Jacobs (certes) l’a fait. La Guerre Froide l’a fait (silos à missiles intercontinentaux)… En revanche chez Jacobs l’envol véhicule symboliquement l’idée de quitter le monde pour ailleurs, là où, à l’inverse, l’envol des Atlantes véhicule symboliquement l’idée de quitter un ailleurs reculé pour se répandre sur le monde. La menace d’une civilisation supérieure se précise au lieu de s’éloigner.
Pour ces raisons j’ai l’impression que JVH a bâti son récit sur des emprunts très classiques, pour ne pas dire galvaudés (on sait que son génie résidait aussi dans sa faculté à exploiter au mieux les stéréotypes)… Jacobs avait simplement fait la même chose avant lui. Comme des milliers d’autres auteurs…
Si on voulait adopter cette grille de lecture, je suis sûr qu’en forçant un peu le trait on pourrait dire que l’album est un plagiat déguisé du Corniaud : le méchant est Louis de Funès, il veut séduire et instrumentaliser le gentil à son insu pour servir ses plans criminels, l’une des scènes clefs est la destruction d’un véhicule (« Elle va beaucoup moins bien marcher maintenant ! »), etc.
Malheureusement, question plagiat c’est justement chez B&M que JVH s’est tristement illustré. Et là il ne s’agissait pas de réminiscences ambiguës, c’était juste grossier et consternant… X-(
thorgal-bdWebmestreInky a écrit
question plagiat c’est justement chez B&M que JVH s’est tristement illustré. Et là il ne s’agissait pas de réminiscences ambiguës, c’était juste grossier et consternant…Oh dis donc, c’est rude comme affirmation ! Je n’ai pas lu les derniers tomes parus, mais ça mérite explication. Que veux-tu dire par là ?
Si tu as l’occasion dans la foulée de revisionner Indiana Jones et les Aventuriers de l’Arche Perdue puis de lire La Malédiction des trente deniers dont JVH a signé le scénario, ça devrait te sauter aux yeux.
Le finale de l’album est un copier/coller éhonté et très embarrassant de celui du film de Spielberg. Faire des emprunts et des clins d’œil, dans l’absolu je n’ai rien contre. La création se nourrit toujours de ce qui l’a précédé. Mais décalquer une scène aussi mythique d’un film aussi connu, forcément cela ne peut pas passer inaperçu.
Et ce n’est vraiment pas digne d’un des plus grands scénaristes bédé de tous les temps selon moi. Le JVH des Thorgal de l’Âge d’Or est un génie. Mais (cette opinion n’engage que moi), j’ai le sentiment qu’il a par la suite cédé la place à un papy paresseux et cynique se reposant sur ses lauriers et capitalisant sur sa gloire passée pour faire le minimum syndical tout en continuant à encaisser la monnaie. D’où les facilités scénaristiques et les ficelles de plus en plus grosses, les stéréotypes de plus en plus éculés, les morceaux parodiques et les scènes racoleuses qui se sont mis à ponctuer les albums tardifs de Thorgal, Black & Mortimer, et sans doute d’autres que je n’ai pas eu le courage de lire…
Pardon pour ce jugement amer et désabusé, mais c’est notamment toi, Stéphane, qui, par ton travail, m’a fait prendre conscience de l’œuvre exceptionnelle (tant graphiquement que scénaristiquement) que consistuent les anciens albums de Thorgal, donc c’est à cette aune que je mesure toute la distance qui en sépare le JVH tardif… Hélas.
- Ce sujet a été modifié le il y a 2 ans et 3 mois par Inky.
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